4) MILIEU DE CULTURE

 

[N.B. Un programme de calcul existe pour faciliter les calculs de milieux et de nourriture ; voir en fin de ce chapitre]

 

4.1) Préparation du milieu de culture

 

Les spirulines vivent dans une eau à la fois salée et alcaline. L'eau utilisée pour le milieu de culture doit être de préférence potable (mais ne sentant pas fortement le chlore) ou au moins filtrée (sur bougie filtrante ou sable), le plus important étant l'élimination des algues étrangères. L'eau de pluie, de source ou de forage est en général de qualité convenable. Si l'eau est dure, il se produira des boues minérales (plus ou moins abondantes selon la teneur en calcium, magnésium et fer), qui décantent rapidement et ne sont pas particulièrement gênantes pour la culture, à condition toutefois que l'ensemencement initial en spirulines soit assez concentré.

 

Les limites de salinité et d'alcalinité (= basicité, les deux termes sont interchangeables) permises sont assez larges mais on se place en général vers les minima, pour des raisons d'économie (sauf si la source d'alcali est très bon marché), avec une salinité totale de 13 g/litre et une alcalinité de 0,1 molécule-gramme/litre (b = 0,1) ; mais ces concentrations peuvent être doublées sans inconvénient. Il peut même être avantageux de travailler à une basicité double pour atténuer les fluctuations de pH dans l'après-midi, surtout en surface ou dans les angles du bassin quand l'agitation est déficiente. Un cas où b = 0,2 est préféré est celui du bassin ouvert démarré en saison sèche : la dilution par la pluie pourra ramener b vers 0,1 ou même en dessous pendant la saison des pluies.

 

L'alcalinité est habituellement apportée par du bicarbonate de sodium, mais ce dernier peut être remplacé en partie par de la soude caustique ou du carbonate de sodium qui ont d'ailleurs l'avantage de relever le pH initial du milieu de culture (par exemple 5 g/l de bicarbonate + 1,6 g/l de soude donnent un pH de 10) ; le carbonate ou la soude peuvent même être la seule source d'alcalinité à condition de les bicarbonater au gaz carbonique ou par exposition à l'air avant usage. Le natron ou trona peuvent aussi être utilisés (cf natron). La salinité complémentaire est apportée par les différents engrais et du sel (chlorure de sodium). Le sel de cuisine iodé et fluoré peut convenir mais souvent il contient jusqu'à 2 % de magnésie insoluble : mieux vaut utiliser un sel n'en contenant pas, pour éviter un excès de boues minérales. De même si le sel apporte trop de magnésium soluble, il y aura formation de sels minéraux insolubles, surtout à pH assez élevé ; des boues minérales excessives peuvent être très gênantes pour une culture qu'on ensemence peu concentrée en spiruline : celle-ci est en effet facilement entraînée par les flocons de boues au fond du bassin sans qu'on puisse la récupérer. C'est aussi une raison qui milite pour ne pas ajouter de calcium en début de culture nouvelle. Par contre l'emploi d'un sel peu raffiné est recommandé à cause de sa teneur en oligo-éléments bénéfiques.

 

En plus du sel et de la soude, le milieu de culture contient des engrais pour assurer la croissance des spirulines, comme en agriculture habituelle : azote (N), phosphore (P), potassium (K) sont les trois principaux éléments, mais soufre (S), magnésium (Mg), calcium (Ca) et fer (Fe) doivent aussi être ajoutés s'ils ne sont pas apportés en quantité suffisante par l'eau, le sel et les engrais. Une analyse de l'eau et du sel est utile pour calculer la dose de Mg, Ca et Fe à ajouter car un excès de ces éléments peut être nocif (perte de phosphore soluble, formation de boues). L'eau, le sel et les engrais apportent souvent assez d'oligoéléments (bore, zinc, cobalt, molybdène, cuivre, etc.), mais comme ceux-ci sont coûteux à analyser, on préfère, quand on le peut, ajouter systématiquement les oligo-éléments, au moins les principaux.

 

Les sources d'azote préférées des spirulines sont l'ammoniac et l'urée, mais ces produits sont toxiques au-delà d'une concentration limite (l'urée s'hydrolyse peu à peu en ammoniac). C'est pourquoi on préfère souvent, au moins lors de la préparation du milieu de culture, utiliser du nitrate, dont on peut mettre sans danger une forte dose, constituant ainsi une réserve d'azote à long terme. Les spirulines consommeront d'abord l'ammoniac ou l'urée s'il y en a de disponibles. Une légère odeur passagère d'ammoniac révèle qu'on s'approche de la limite autorisée ; une odeur persistante et forte indique qu'on l'a sûrement dépassée et qu'il faut s'attendre à un mauvais état de la culture (passager ou irréversible selon la dose d'ammoniac).

 

Note : L'urée est le nom commun du carbamide ; certaines personnes confondant urée et urine, et éprouvant de la répugnance à manger de la spiruline fabriquée avec de "l'urée", il peut être préférable de remplacer pour elles le terme "urée" par son synonyme scientifique : "carbamide", tout aussi correct mais moins évocateur. Cependant l'urée est un produit très propre et inodore, très employé en agriculture.

 

Le nitrate n'est pas réellement sans risque car il peut se transformer spontanément en ammoniac dans certaines conditions (en présence de sucre par exemple et sans doute d'exopolysaccharides sécrétés par la spiruline elle-même). Vice-versa l'ammoniac (issu de l'urée par exemple) s'oxyde plus ou moins vite en nitrate par le phénomène naturel connu sous le nom de nitrification.

 

Le phosphore est apporté indifféremment par n'importe quel orthophosphate soluble, par exemple le phosphate monoammonique (NH4H2PO4), le phosphate dipotassique (K2HPO4) ou le phosphate trisodique (Na3PO4, 12 H2O), ou encore l'acide phosphorique lui-même. De même le potassium peut être apporté indifféremment par le nitrate de potassium, le chlorure de potassium, le sulfate ou le phosphate dipotassiques. La source de magnésium habituelle est le sulfate de magnésium appelé sel d'Epsom (MgSO4, 7 H2O). Le calcium éventuellement nécessaire est apporté par un peu de chaux éteinte ou de plâtre (sulfate de calcium), ou, mieux, d'un sel de calcium soluble (nitrate, chlorure); il faut en mettre de quoi saturer le milieu en calcium à pH voisin de 10, mais pas plus, c'est-à-dire jusqu'à formation d'un léger louche blanc. En cas d'ensemencement d'une nouvelle culture avec peu de spiruline, mieux vaut s'abstenir d'ajouter du calcium au début pour éviter de perdre de la semence entraînée dans les boues minérales.

 

On notera la possibilité d'apporter plusieurs éléments à la fois par le même produit, par exemple N et K par le nitrate de potasse, P et K par le phosphate dipotassique, ou S et Mg par le sulfate de magnésium.

 

On voit l'importance de posséder des rudiments de chimie pour pouvoir jongler entre les différents produits selon leur disponibilité et leur prix. Il suffit en gros de connaître les poids moléculaires et de faire des règles de trois. On peut aussi se passer du concept de poids moléculaire et ne travailler qu'avec les % d'éléments donnés en Annexe A16.

 

Le fer est apporté par une solution de sulfate de fer acidulée, ou, de préférence, par du fer associé à un chélatant comme il s'en vend couramment pour les usages horticoles (voir § 7.6 CULTURE.htm - chélatant).

 

Ne pas utiliser les engrais agricoles ordinaires prévus pour être peu solubles (et contenant de nombreuses impuretés), mais seulement les engrais solubles (voir § 6.1, N.B. e et f NOURRITURE.htm - granulés) ou les produits chimiques purs correspondants. En cas de doute, analyser la spiruline produite pour vérifier qu'elle ne contient pas trop de mercure, plomb, cadmium, ou arsenic).

 

Les limites de concentration admissibles pour les différents éléments dans le milieu de culture sont données en Annexe 18 (A.htm - A18). Voici un exemple d'analyse de milieu de culture typique d'un bassin en cours de production :

           

                                    Carbonate = 2800 mg/l

                                    Bicarbonate = 720 mg/l

                                    Nitrate = 614 mg/l

                                    Phosphate = 25 mg/l

                                    Sulfate = 350 mg/l

                                    Chlorure = 3030 mg/l

                                    Sodium = 4380 mg/l

                                    Potassium = 642 mg/l

                                    Magnesium = 10 mg/l

                                    Calcium = 5 mg/l

                                    Ammonium + ammoniac = 5 mg/l

                                    Fer = 1 mg/l

           

            Salinité totale = 12797 mg/l

            Densité à 20°C = 1010 g/l

            Alcalinité = 0,105 N (molécule-gramme/l)

            pH à 20°C = 10,4

 

Le milieu doit contenir en plus tous les oligoéléments nécessaires, apportés généralement par l'eau et par les impuretés des sels, mais dont il est prudent d'ajouter un complément (voir A.htm - A26). Un peu d'argile peut être un complément utile.

 

Voici une formule pour milieu de culture neuf (pH proche de 8, cf § 4.7: ph) convenant pour des eaux de dureté nulle ou faible :

 

            Bicarbonate de sodium = 8 g/l

            Chlorure de sodium = 5 g/l

            Nitrate de potassium = 2 g/l (optionnel)

            Sulfate dipotassique = 1 g/l (optionnel ; 0,1 minimum)

            Phosphate monoammonique = 0,2 g/l

            Sulfate de magnésium MgSO4, 7H2O = 0,2 g/l

            Chlorure de calcium = 0,1 g/l (ou Chaux = 0,07 g/l)

            Urée = 0,009 g/l (ou 0,034 g/l pour extension de culture, par exemple bassin à géométrie variable, cf SEMIS.htm - Géométrie)

            Solution à 10 g de fer/litre = 0,1 ml/l

            Solution d'oligoéléments (selon § A26-2 A.htm - A26) = 0,05 ml/l

 

Le fer peut être apporté sous la forme chélatée par 0,008 g de Fétrilon 13 ou de Ferfol 13, ou par 0,005 g de sulfate de fer FeSO4,7H2O par litre de milieu. Si le phosphore est apporté par l'acide phosphorique ou un phosphate sans ammonium, l'urée passe à 0,035 g/l (ou 0,070 g/l en cas d'extension de bassin).

 

Le nitrate de potassium n'est en fait pas nécessaire, mais il facilite le travail en assurant une réserve d'azote et de potassium. Inversement, si on met du nitrate on peut omettre l'urée. Si on omet le nitrate, le potassium est apporté par le sulfate dipotassique. Si l'eau est assez riche en sulfates, le sulfate dipotassique peut être réduit à 0,1 g/l et si de plus l'on met du nitrate de potassium il peut même être omis.

 

La dose totale de chlorure de sodium + nitrate de potassium + sulfate de potassium dépend de l'alcalinité b ; elle doit être environ égale à : 12 - (40 x b), en g/l, avec un minimum de 4 g/l.

 

La basicité de 0,1 peut être apportée par 5 g/l de carbonate de sodium ou par 4 g/l de soude, que l'on doit laisser se carbonater avant usage (environ 15 jours à l'air en couche de 15 cm); on peut aussi mélanger le bicarbonate avec le carbonate ou la soude caustique (cf Annexes A12 A.htm - A12 et A13 A.htm - A13). Retenons qu'un mélange 50/50 de carbonate et de bicarbonate donne un pH voisin de 10 qui, à la dose de 7 g/l correspondant à une basicité de 0,1, convient très bien au démarrage d'une nouvelle culture. Le sesquicarbonate de sodium Na2CO3.NaHCO3.2H2O, produit naturel appelé "trona" aux U.S.A., peut être utilisé à 8 g/l et donne un pH de 10,15 convenant bien aussi (cf § 4.7: ph). Le natron africain est un trona impur dont l'utilisation tel quel n'est pas toujours recommandée. Les meilleurs natrons sont en général les moins colorés. Avant d’utiliser un natron il faut le tester : vérifier qu’une solution à 20 g/litre filtre bien (sur papier filtre à café) et n’est pas trop colorée ni trouble ; doser l’alcalinité et les sulfates. On trouve souvent jusqu’à 30 % d’insolubles (sable) et seulement 30 % de carbonate/bicarbonate. Le sable est facile à éliminer par décantation.

 

Le nitrate du Chili potassique ("salitre potásico", granulés colorés en rose par de l'oxyde de fer), produit naturel, peut remplacer avantageusement le nitrate de potassium en apportant une riche dose d'oligoéléments, ainsi que du soufre et du magnésium (voir analyse en Annexe A16.1 A.htm - salitre). Le Chili exporte aussi du nitrate de potassium purifié et du nitrate de sodium.

 

Lorsque le milieu contient simultanément les ions ammonium (NH4), magnésium (Mg) et phosphate (PO4), les concentrations de ces ions sont parfois (selon les concentrations et le pH) interdépendantes parce que la solubilité du phosphate mixte d'ammonium et de magnésium est extrêmement faible. Le phosphate mixte insolubilisé reste tout de même disponible pour la spiruline puisqu'il se redissout dès que les conditions le lui permettent, mais s'il y a déséquilibre les concentrations d'un ou deux des trois ions impliqués peuvent être très faibles, ce qui ralentit la croissance et peut même faire mourir la culture (aussi bien par manque de magnésium que de phosphate). Les cristaux de phosphate mixte se déposent normalement avec les boues, mais il arrive qu'on en trouve en surface dans certaines conditions et même parfois dans la spiruline récoltée. Ceci n'est pas grave. Ces cristaux se redissolvent immédiatement par acidification (comme c'est le cas dans l'estomac !). A noter qu'en l'absence d'ammonium les mêmes phénomènes ont tendance à se produire aussi, le phosphate de magnésium étant lui aussi fort insoluble aux pH > 9. Il est recommandé de maintenir une concentration de Mg approximativement égale à celle de P.

 

Lorsque l'eau utilisée est calcaire et surtout très calcaire (100 et jusqu'à 500 mg de Ca/l, voire plus), le phosphate a évidemment tendance à précipiter sous forme de phosphates de calcium (très insolubles), et ceci d'autant plus que le pH et la température de la culture seront élevés. Mais les phosphates insolubles peuvent rester en sursaturation (en solution) sans précipiter pendant très longtemps, surtout en présence de matières organiques, et même si parallèlement du carbonate de calcium précipite. Il est donc très difficile de prédire quand le phosphate en solution va être insuffisant pour une bonne croissance de la spiruline. C'est pourquoi il est recommandé, si on dispose d'un test permettant de doser le phosphate, de vérifier assez souvent la teneur en phosphate du milieu de culture si l'eau est très calcaire. On trouve des kits pour doser le phosphate dans les boutiques d'aquariophilie. En cours de culture, surtout en cas de faible croissance ou de problèmes, il est bon de mesurer la teneur en phosphate du milieu filtré et, si elle est < 5 mg/l, de rajouter du phosphate ; si on n'a pas de test phosphate on peut tenter de rajouter du phosphate pour ranimer la croissance. Dans le cas où l'eau est calcaire, la formule de milieu de culture donnée ci-dessus (formule) doit de préférence être adaptée : diminution ou suppression de l'ajout de calcium (cet ajout équivaut à 36 mg de Ca/litre dans la formule), et majoration de l'ajout de phosphate (par exemple pour chaque mg de Ca excédentaire ajouter 0,5 mg de P, soit par exemple 1,6 mg d'acide phosphorique). On peut dire que les phosphates de Ca insolubilisés constituent une réserve de Ca et de P, car ils peuvent se redissoudre en cas de besoin ; cependant cette possibilité est limitée par les boues organiques et les imperfections de l'agitation près du fond ou dans les angles du bassin.

 

Lorsque le pH d'un milieu en cours de préparation à partir de bicarbonate et d'eau calcaire doit être relevé par ajout de soude, il est important de n'ajouter le phosphate qu'après la soude pour éviter la formation d'un précipité en flocons décantant très difficilement ou même ayant tendance à flotter.

 

L'eau peut aussi être traitée pour diminuer sa teneur en calcium avant utilisation, ce qui complique un peu mais peut être rentable (voir A31). Précautions pour le stockage d'eau traitée : stockage.

 

Précautions pour le stockage de milieu de culture neuf : cf § 4.8 stockage.

 

4.2) Milieu "Zarrouk" (thèse Zarrouk (1966), page 4 : BIBLIOGRAPHIE.htm - Zarrouk)

 

Le milieu standard de Zarrouk, très souvent cité et servant de référence, mais pas très économique, est fabriqué à partir d'eau distillée et contient, en g/litre :

 

NaHCO3 = 16,8; K2HPO4 = 0,5; NaNO3 = 2,5; K2SO4 = 1,0; NaCl = 1,0; MgSO4 , 7 H2O = 0,2; CaCl2 = 0,04; FeSO4, 7 H2O = 0,01; EDTA= 0,08; « solution A5 » = 1,0; « solution B6 » = 1,0.

 

Composition de la « solution A5 », en g/l: H3BO3 = 2,86; MnCl2, 4 H2O = 1,81; ZnSO4, 7 H2O = 0,222; CuSO4, 5 H2O = 0,079; MoO3 = 0,015.

 

Composition de la « solution B6 », en g/l: NH4VO3 = 0,02296; K2Cr2(SO4)4, 24 H2O = 0,096; NiSO4, 7 H2O = 0,04785 ; Na2WO4, 2 H2O = 0,01794; Ti2(SO4)3 = 0,04; Co(NO3)2, 6 H2O = 0,04398.

 

On peut remarquer que le produit de solubilité du phosphate tricalcique est très largement dépassé dans cette formule

 

4.3) Et si  l'on n'a aucun produit chimique ?

 

Dans ce cas, ou si l'on veut produire une spiruline "100% biologique", utiliser des produits naturels. Par exemple on peut utiliser du bicarbonate naturel américain, la trona ou le natron ou de la lessive de cendres de bois, et tout le reste peut être remplacé par 4 ml d'urine (BIBLIOGRAPHIE.htm - Jourdan) par litre, plus le sel et, si nécessaire, du fer (CULTURE.htm - fer). Voir dans le chapitre "Nourriture" les précautions qu'implique l'utilisation d'urine. Si l'urine est proscrite pour une raison ou une autre, on a recours au nitrate du Chili et à l'acide phosphorique extrait de la poudre d'os calcinés (le phosphate naturel et le superphosphate contenant trop de cadmium) ; malheureusement le nitrate du Chili a été déclaré "non bio" en Europe malgré son origine naturelle ; alors il y a encore une possibilité : les feuilles de végétaux comestibles bon marché (exemple l'ortie) qu'on met à tremper dans la lessive carbonatée et qui apportent tous les éléments y compris du carbone, mais ont tendance à salir le milieu. On peut aussi utiliser les "purins de feuilles", mais leur odeur est plutôt désagréable.

 

A noter que l'eau de mer filtrée (à la rigueur le sel brut) est une bonne source de magnésium et de calcium.

 

La cendre de bois utilisée doit être propre (aussi blanche et sans suie que possible) et riche en sels solubles. Les meilleurs bois sont (en Europe) ceux de peuplier, orme, tilleul, bouleau, pin, eucalyptus; les branches sont plus riches que les troncs. En Afrique certaines parties des palmiers sont particulièrement riches en potasse et servent traditionnellement à l'extraction de potasse, notamment pour la fabrication du savon (il existe d’ailleurs des fours spécialement construits pour obtenir une cendre blanche à cet effet). Pour fabriquer la lessive de cendre, on utilise par exemple le dispositif suivant: une bassine à fond percé, une couche de cailloux sur le fond, une toile, et 30 à 50 cm de cendre dans la toile; on verse l'eau sur la cendre (environ 5 litres d'eau par kilo de cendre, et ceci plusieurs fois de suite) et on la fait percoler à travers la couche de cendre; au début le jus coule concentré et très caustique; s'en protéger car il attaque rapidement la peau et ne doit jamais atteindre les yeux (en cas d'atteinte, rincer immédiatement et abondamment à l'eau). On peut recycler les premiers jus. Jeter la vieille cendre quand elle est épuisée et recommencer avec de la neuve. Attendre une quinzaine de jours que la carbonatation de la lessive se fasse à l'air, dans un bassin d'environ 15 cm d'épaisseur de liquide. Pendant cette période, veiller à ce qu l’air soit renouvelé et agiter en remuant de temps en temps. Le temps de carbonatation étant inversement proportionnel à l'épaisseur, si l'on veut aller plus vite il suffit d'étaler la solution en couche plus mince; une autre possibilité pour gagner du temps est de neutraliser avec un peu de bicarbonate (voir Annexe A13 A.htm - A13) ou de gaz carbonique concentré.

 

Mesurer la salinité (voir Annexe A3 A.htm - A3, courbe 2) ou mieux l'alcalinité (voir Annexe A5 A.htm - A5) de l’eau de cendre carbonatée. Diluer et saler: La dilution normale est à 8 g/l de sels de cendres (ou bien alcalinité = 0,1), plus 5 g/l de sel de cuisine, mais en cas de pénurie on peut diminuer considérablement la dose de sels de cendres tout en conservant la salinité totale à 13 g/l en mettant plus de sel. Ne pas oublier de rajouter du fer (cf CULTURE.htm - fer). Pour mieux faire comprendre, voici un exemple donnant un milieu de culture pour 4 m², prêt à être ensemencé:

Lessiver 20 kg de cendres avec 3 fois cent litres d'eau

Carbonater la lessive à l'air quinze jours sous faible épaisseur

Diluer à densité (20°C) = 1,005 avec 300 litres d'eau

Saler avec 3 kg de sel

Ajouter 2 litres d'urine et 80 g de sirop de fer                         

 

Préparation de l’acide phosphorique à partir des os (Méthode de Jacques Falquet, décembre 2003)

-         à l'acide sulfurique

Matériel :

Des os (de n’importe quel animal, même de vieux os conviennent)

De quoi faire un bon feu

Un mortier

Une balance de cuisine

Une bassine ou un seau en plastique (le métal ne convient pas, sauf si il est émaillé) d’une contenance de 10 litres au moins.

De l’acide de batterie (= acide sulfurique à 25%). Attention : ne JAMAIS prendre l’acide qui se trouve dans une batterie : utiliser uniquement de l’acide neuf, vendu en flacons.

Des récipients pour le stockage du liquide obtenu (en verre ou en plastique, le métal ne convient pas)

Méthode :

Calciner fortement des os dans un feu de braises

Après refroidissement, retirer soigneusement les os (prendre le moins possible de cendres)

Réduire ces os en poudre (si les os ont été bien calcinés, ils sont blancs-gris et très faciles à broyer)

Dans une bassine en plastique (et hors d’accès des enfants !) :

·               Pour 1 Kg de poudre d’os calcinés, ajouter 4 litres d’acide de batterie, remuer et laisser au moins deux jours (en remuant de temps en temps).
Attention : manipuler l’acide avec précautions, en ayant toujours de l’eau à portée de main pour se laver immédiatement en cas de contact avec la peau.

·               Ajouter ensuite 4 litres d’eau, remuer puis laisser reposer quelques heures.

·               Prendre délicatement autant de liquide clair que possible et le garder dans un bidon de plastique ou dans des flacons de verre. [NDLR : nous préférons filtrer la boue blanche obtenue, puis la laver sur filtre avec une même quantité d'eau ; en pressant le gâteau de filtration, le rendement peut être alors proche de 100 % et le volume obtenu est double]

 

 

Attention ! Ce liquide (appelons-le « extrait d’os ») est corrosif : garder ce produit hors d’atteinte des enfants ou des personnes étrangères au projet. Etiquetter et inscrire un signe d’avertissement sur chaque flacon !

 

 

L’« extrait d’os »  contient environ 50 grammes d’acide phosphorique par litre

Pour préparer du milieu de culture de spiruline neuf, on utilisera (en remplacement du phosphate) deux litres d’extrait d’os pour 1000 litres de milieu de culture.

Pour nourrir la spiruline après récolte, on utilisera comme source de phosphore :

1 litre d’extrait d’os par Kg de spiruline sèche récoltée.

Ceci, bien sûr, en compléments des autres produits (nitrate, etc.)

 

    - au jus de citron

Matériel :

Des os (de n’importe quel animal, même de vieux os conviennent) et de quoi faire un bon feu.

Un mortier, une balance de cuisine.

Une marmite

Du jus de citron

Méthode :

Calciner fortement des os dans un feu de braises

Après refroidissement, retirer soigneusement les os (prendre le moins possible de cendres)

Réduire ces os en poudre (si les os ont été bien calcinés, ils sont blancs-gris et très faciles à broyer)

Dans une marmite, mélanger 100 g de poudre d’os par litre de jus de citron

Faire bouillir doucement pendant 15 minutes

Laisser reposer au moins un jour, en remuant de temps en temps.

Filtrer sur une toile fine

Le liquide récupéré contient environ 20 g/l de phosphate soluble. Si nécessaire, on peut le concentrer par ébullition prolongée.

Utilisation :

Pour préparer du milieu de culture de spiruline neuf, on utilisera (en remplacement du phosphate) cinq litres de ce jus pour 1000 litres de milieu de culture.

Pour nourrir la spiruline après récolte, on utilisera comme source de phosphore :

2.5 litre de jus par Kg de spiruline sèche récoltée.

Ceci, bien sûr, en compléments des autres produits (nitrate, etc.)

 

(N.B. 1 : se méfier des poudres d'os calcinés vendues sur les marchés, en Afrique par exemple, dont la qualité peut être douteuse ; mieux vaut la fabriquer soi-même !)

 

N.B. 2  : Cette méthode de préparation d'acide phosphorique est applicable aux phosphate e calcium naturels issus de la décomposition du guano, comme le produit dénommé PHOSMAD à Madagascar.

 

4.4) Renouvellement du milieu de culture

 

Le milieu de culture doit rester peu coloré et peu trouble pour assurer la meilleure marche. Normalement les bactéries et le zooplancton se chargent de la minéralisation et du recyclage des déchets biologiques. Mais il arrive que la production de déchets dépasse leur élimination (surtout dans les bassins à productivité poussée) ; il se peut aussi que le milieu s'épuise en oligo-éléments ou que la salinité ait tendance à devenir trop élevée (en cas d'alimentation carbonée sous forme de bicarbonate ou d'alimentation en azote sous forme de nitrates), ou encore si l’eau d’appoint est saumâtre : il faut alors remplacer le milieu de culture ou pratiquer une purge. Cette purge se fait de préférence par le fond (par pompage ou siphonnage) en éliminant en même temps des boues, ou bien lors des récoltes en ne recyclant pas le filtrat. Si les pluies font monter le niveau du bassin au point où il risque de déborder, il faut aussi pratiquer une purge pour faire baisser le niveau. Remettre dans le bassin la quantité de sels contenus dans la purge (sauf, évidemment, ceux dont on veut éventuellement abaisser la concentration). Si on a purgé parce que le niveau était trop haut à cause de la pluie, on ne remet évidemment que les sels, sans eau.

 

Si un bassin s'avère trop riche en un élément (urée mise en excès par exemple) et si son niveau est suffisamment bas, on peut lui ajouter du milieu neuf privé de l'élément en trop, de manière à diluer celui-ci.

 

La marche sans renouvellement du milieu de culture pendant plusieurs années doit être possible si les oligo-éléments sont régulièrement apportés, et si la productivité n'est pas excessive par rapport à la profondeur de culture (la profondeur exprimée en cm doit être au moins le quadruple de la productivité moyenne exprimée en g/jour/m²) et de préférence si l'agitation est maintenue la nuit pour améliorer l'oxygénation. Dans la pratique cependant un certain taux de renouvellement du milieu aide à maintenir négligeable la concentration en contaminants éventuels (chimiques ou biologiques) et à assurer l'alimentation en oligo-éléments (par les traces contenues dans l'eau d'appoint ou les sels). Il est sage de tabler au minimum sur un renouvellement tous les 2 kg de spiruline produite par m² de bassin, soit tous les 6 à 18 mois selon la productivité, en une fois ou, mieux, progressivement. Pour ne pas avoir d'ennuis, si on peut se le permettre, il vaut mieux renouveler le milieu tous les 3 mois (ou purge de 1 % / jour), mais il faut savoir que ce n'est pas une nécessité.

 

N.B.   a) La marche sans ou presque sans renouvellement nécessite de surveiller de plus près les contaminants possibles.

            b) Le non-recyclage du jus de pressage équivaut à un taux de purge de l'ordre de 0,02 %/jour. Si la moitié de l'azote est apportée par le nitrate, celui-ci apporte à peu près l'alcalinité perdue par cette purge.

 

4.5) Epuration et recyclage

 

Il est en principe recommandé, pour des raisons écologiques, de ne pas jeter le milieu purgé dans l'environnement mais soit de l'utiliser en alimentation animale, soit de le laisser s'évaporer à sec dans un bassin à part jouant le rôle de "marais salant", de préférence à l'abri de la pluie sous serre. Les sels récupérés, semblables au natron naturel, peuvent probablement être purifiés par calcination (attention au bon réglage de la température et à l'apport d'oxygène, pour éviter le noircissement par charbonnement) ou par recristallisation, et recyclés, mais ceci reste à essayer. Avec l'évaporation à sec, un renouvellement tous les 3 mois nécessiterait une surface d'évaporation d'un tiers de la surface des bassins.

 

Il est aussi possible de recycler le milieu de culture après épuration partielle (procédé F. Haldemann) : l'épuration consiste en une combinaison de filtration, décantation et traitement biologique par la flore naturelle, à l'abri de la lumière, dans des bassins profonds de 1 à 2 m. avec un temps de séjour global de 2 à 4 semaines. Autre façon de procéder (procédé F. Ayala) : envoyer les purges dans un bassin "naturel" peu ou pas agité, de surface égale au tiers de celle des bassins actifs et profond de 2 m., récupérer pour l'alimentation animale les (très belles) spirulines qui s'y développent et recycler le milieu après stérilisation éventuelle. Un simple stockage du milieu de culture pendant 6 mois à 20°C, sans agitation et à l'abri de la lumière, le purifie très bien : en zone tempérée, par exemple, le milieu de culture se purifie de lui-même nettement pendant l'hiver où la production est nulle, et ceci malgré la basse température.

 

Plutôt que de construire une installation de purification, il parait plus simple, au niveau artisanal, de majorer la surface et/ou la profondeur des bassins pour y réaliser l'épuration biologique "in situ", au prix d'une productivité plus basse, mais avec un taux de purge du milieu très faible, voire nul. Autre solution possible : utilisation des purges comme engrais par épandage agricole ou sur tas de compost. La forte concentration du milieu de culture en sodium est gênante pour de nombreuses plantes, mais pas pour toutes (par exemple pas pour le palmier cocotier). On peut aussi remplacer dans la formule du milieu de culture la majorité des ions sodium par des ions potassium. L'eau de cendre (assez concentrée en potasse pour ne pas nécessiter plus de deux ou trois grammes de sel par litre) convient. Sinon on peut utiliser un milieu contenant 10 g de bicarbonate de potassium + 2 g de nitrate de potassium + 1 g de sulfate dipotassique + 3 g de sel par litre (le reste comme au § 4.1). Pour obtenir un milieu à pH > 10, on pourra remplacer les 10 g de bicarbonate de potassium par 6 g de bicarbonate de potassium + 2 g de potasse caustique (attention : mêmes précautions de sécurité qu'avec la soude !). Un milieu riche en potassium est au moins deux fois plus cher qu'un milieu riche en sodium, mais il a l'avantage supplémentaire de donner une spiruline qui peut être utile pour certains régimes "sans sodium" ; cet avantage pourrait plus que compenser le surcoût du milieu.

 

4.6) Utilisation de l'eau de mer

 

Utiliser l'eau de mer pour établir et maintenir une culture de spiruline, sans traitement préalable de l'eau de mer autre qu’une filtration, est possible mais à condition de travailler à un pH régulé avec une grande précision au voisinage de celui de l'eau de mer, ce qui est techniquement trop difficile pour les producteurs artisanaux. En effet l'eau de mer contient une quantité excessive de calcium et de magnésium qui, aux pH élevés, provoquent une précipitation abondante de carbonates et phosphates. D'autre part la salinité élevée de cette eau (35 g/l) interdit son emploi comme eau d'appoint pour compenser l'évaporation, sauf si celle-ci est maintenue très faible par utilisation judicieuse de bassins sous serre.

 

Ripley Fox a développé le concept d’une ferme de spiruline (géante) fonctionnant à l’eau de mer traitée au carbonate de soude, lui-même produit sur place à partir de soude électrolytique. Le chlore et l’hydrogène sous-produits de l’électrolyse sont transformés en acide chlorhydrique utilisé pour générer du CO2 pur à partir de carbonate de soude. Le problème de la compensation de l’évaporation est réglé en rejetant à la mer le milieu de culture (préalablement neutralisé) lorsque sa salinité est devenue trop élevée. Ce concept sera peut-être appliqué un jour, mais il demande de gros moyens, hors de portée d’un petit producteur.

 

Par contre l'eau de mer peut être utilisée avec profit, en petites quantités, pour apporter magnésium et soufre.

 

4.7) pH optimum

 

Le pH optimum d'un milieu de culture neuf à confectionner dépend de son utilisation.

S'il doit être inséminé pour démarrer une nouvelle culture, son pH doit être d'au moins 9 : s'il est trop bas la culture risque de mal démarrer, avec formation de grumeaux ou précipitation de la spiruline au fond. Le natron ou le mélange carbonate + bicarbonate, ou l’eau de cendre carbonatée sont donc bien adaptés à ce cas.

 

Par contre si le milieu neuf doit servir d'appoint à une culture existante son pH peut être avantageusement voisin de 8, ce qui contribue à maintenir le pH de la culture suffisamment bas par apport de bicarbonate. C'est typiquement le cas des bassins en cours d'extension ("à géométrie variable"). Dans ce cas le milieu doit être à base de bicarbonate seul, si ce dernier est disponible.

 

4.8) Stockage de milieu de culture neuf et d'eau traitée

 

Il n'est pas recommandé de stocker du milieu de culture neuf, même à l'abri de la lumière, car il constitue par nature un "bouillon de culture" où pourrait se développer des micro-organismes indésirables. Cette remarque s’applique surtout aux milieux à bas pH.

 

Il est également fortement déconseillé de stocker de l'eau douce, par exemple de l'eau traitée pour éliminer l'excédant de dureté, en présence de lumière car des algues étrangères et des cyanobactéries s'y développeraient en quelques jours. Or parmi ces dernières il en est de hautement toxiques (cas de certains lacs d'eau douce).

 

4.9) Programmes de calcul "MILIEU"

 

Pour faciliter le calcul des milieux (et de la nourriture minérale) en tenant compte des matières premières et de l'analyse de l'eau disponibles un programme de calcul a été rédigé : MILNOUR.EXE dont la notice d'utilisation se trouve en annexe.

 

 

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