6) NOURRITURE MINERALE DE LA SPIRULINE
[N.B. Un programme de calcul existe
pour faciliter les calculs de milieux et de nourriture]
Bien que la nourriture principale de la
spiruline soit le carbone, il ne sera question dans ce chapitre que de la
nourriture non carbonée, seulement minérale. Pour la nourriture en carbone voir
§ 7.8 CULTURE.htm
- carbone.
Le milieu de culture initial permet une croissance
de la spiruline jusqu'à une concentration en spiruline voisine de 1 g/l (sans
nitrate) à 2 g/l (avec nitrate), mais mieux vaut remettre dans le milieu les
éléments nutritifs absorbés par la spiruline sans attendre l'épuisement du
milieu. Ajouter l'urée (et le cas échéant le CO2 et/ou le sucre comme apport de
carbone) quotidiennement en fonction de la récolte désirée ou escomptée dans la
journée, les autres nutriments pouvant n'être ajoutés qu'une fois par semaine,
voire une fois par quinzaine. Veillez à mettre l'urée (et le cas échéant le
sucre) tôt dans la journée, juste après la récolte et en respectant la règle
donnée au N.B. c ci-dessous (uréethéo).
L'utilisation du nitrate n'impose pas les mêmes précautions que l'urée mais
celle-ci est moins chère et plus efficace, elle réduit la formation de grumeaux
(important surtout chez les spiralées type Lonar) et elle renforce la vigueur
parfois défaillante des spirulines (sans ammonium surtout les ondulées risquent
de ne pas se laisser essorer facilement par pressage) ; de plus l'urée apporte
du CO2 "gratuit". L'ammoniaque peut évidemment être utilisée au lieu
d'urée, mais avec encore plus de précautions : là, le goutte-à-goutte est
pratiquement nécessaire. Par contre l'ammoniaque a un avantage sur l'urée :
celle-ci ne s'hydrolyse que petit à petit (une dose trop forte d'urée peut
constituer une "bombe à retardement" en produisant de l’ammoniac). Le
bicarbonate d'ammonium est une possibilité intéressante pour apporter à la fois
de l'azote et du CO2 "gratuit" (double de l'urée).
Tous les ingrédients doivent être
dissous avant d'être introduits dans la culture et pendant l'introduction la
culture doit être sous agitation.
En se basant sur la composition
élémentaire de la spiruline donnée en Annexe A19 (A.htm
- A19)
et les indications du § 4.1 sur le MILIEU de culture, il est facile de calculer les besoins en
nourriture minérale selon les produits (engrais) dont on dispose. On tient
compte de la pureté chimique des produits, des pertes en cours de production
(photoxydation, consommation par les parasites, pertes chimiques et physiques)
et lors de la récolte. On ne tient pas compte des apports par l'eau d'appoint
sauf si l'évaporation est très forte et si l'eau d'appoint est très
minéralisée. A titre d'exemple pouvant être utilisé assez couramment, voici une
formule calculée pour le cas d'une eau non ferrugineuse et de faible dureté,
pour une évaporation moyenne et pour un taux de pertes courant dans les petites
exploitations:
Grammes par kg de spiruline produite (comptée en sec) :
Urée = 300 à 350 g
Phosphate
monoammonique = 50
Sulfate
dipotassique = 40
Sulfate de
magnésium = 30
Chlorure
de calcium = 20
Fétrilon
13 (ou Ferfol) = 4
Solution
d'oligoéléments (selon § A26-2 A.htm - A26) = 50
(le chlorure de calcium peut être remplacé par 30 g de nitrate de
calcium si ce produit est disponible, ou par 13 g de chaux éteinte)
(Le fer peut être introduit sous forme
de 50 ml de solution de fer chélaté à 10 g de fer/l, soit 77 g de Ferfol/litre)
.
N.B.
a)
La formule de nourriture ci-dessus n'inclut pas les besoins en nutriments
correspondant aux purges de milieu de culture, qui doivent donc éventuellement
être ajoutés.
b)
La dose de fer ci-dessus correspond à 500 ppm de fer dans la spiruline ;
elle peut être ajustée à la demande, certains médecins préférant une teneur
inférieure en fer, d'autres 1000 voir 1500 ppm. Pour ces hautes teneurs en fer,
l'addition d'un chélatant (EDTA, jus de carambole ou de citron) ou l'usage de
fer chélaté (type Ferfol ou Fétrilon) est préférable (CULTURE.htm - fer) au sulfate de fer ordinaire. Il a été
souvent rapporté que l'introduction du fer sous forme de sulfate est beaucoup plus
efficace au goutte-à-goutte (si l'agitation est continue), mais cette remarque
ne joue pas si l'on utilise du fer chélaté.
c) La dose d'urée théorique est de 240 g/kg, mais surtout aux
bas pH un excès s'avère nécessaire s'il y a tendance à la formation de
grumeaux, peaux, etc. Un excès d'urée inutilisé se transforme en nitrate ou se
perd à l'atmosphère sous forme d'ammoniac. Mieux vaut supprimer l'injection
d'urée dès qu'une odeur d'ammoniac devient perceptible sur la culture ou, si
l'on peut doser l'ammonium, suivre la règle donnée en A.htm - A18 (N.B. b). L'urée est la source de CO2
la moins chère (à part l'air) et si la température du bassin est assez élevée
on arrive à en consommer jusqu'à 0,8 kg/kg de spiruline, la partie non
consommée par la spiruline se transformant en nitrate (en consommant de
l'alcalinité, selon l'équation : CO(NH2)2 + 4 O2 + 2 Na OH = 2 NaNO3 + 3 H2O +
CO2); en fait, de nombreux bilans d'azote nous ont montré que simultanément il
semblait y avoir "fixation" d'azote atmosphérique avec formation de
nitrate supplémentaire, de sorte que l'équation globale pourrait être plutôt :
CO(NH2)2 + 2 N2 + 6,5 O2 + 4 NaOH = 4 NaNO3 + 4 H2O + CO2. Nous n'avons pas
encore élucidé si cette "fixation" d'azote se produit aussi en
l'absence d'urée, mais des indices indiquent que non. Le nitrate formé peut
ensuite servir de source d'azote pour la spiruline par réduction biologique
avec restitution de l'alcalinité : NaNO3 + 2H2 = NaHCO3 + NH3.
Le bicarbonate d'ammonium NH4HCO3 est
encore mieux que l'urée car il apporte le double de CO2 ; c'est un produit
potentiellement très bon marché puisqu'il est l'intermédiaire obligé dans la
fabrication du carbonate de soude Solvay, mais il n'est pas disponible
commercialement partout (Solvay-Angleterre en vend). Il faut en poids 2,6 fois
plus de bicarbonate d'ammonium que d'urée.
Voir par ailleurs ci-dessous en N.B. j
(phosphate) les effets possibles d'un excès
d'ammonium sur l'équilibre PO4/Mg/NH4 du milieu de culture.
d)
Selon la quantité et l'analyse de l'eau apportée pour compenser l'évaporation,
les doses de sulfates, de magnésium, de calcium et de fer peuvent être réduites
ou supprimées. Si l'eau est très calcaire, il peut être nécessaire de majorer
la dose de phosphate pour compenser l'éventuelle précipitation de phosphate de
calcium, en suivant la recommandation énoncée à propos du milieu de culture :
compenser le Ca par la moitié de son poids en P ; il est recommandé de faire un
dosage de phosphate dans ce cas-là environ une fois par mois ou quand la
culture semble dépérir.
e) L'usage de certains engrais agricoles à dissolution lente
(slow release) ou peu solubles, superphosphate, phosphate diammonique (cf
alinéa f ci-dessous), sulfate de potassium, n'est pas recommandé car ils
contiennent généralement des additifs colorés et/ou odorants et des huiles qui
souillent le milieu de culture, formant une pellicule grasse en surface de
bassin (freinant l'absorption du gaz carbonique et la désorption de l'oxygène).
Par ailleurs les engrais de ce type peuvent contenir des métaux lourds
(notamment cadmium présent dans les phosphates naturels) dangereux parce que
rapidement absorbés par les spirulines. Ces remarques ne s'appliquent pas à :
urée, sulfate de magnésium, sulfate de potassium, nitrate de potassium, nitrate
du Chili, phosphate mono ou diammonique, chlorure de potassium vendus comme
engrais agricoles solubles, même granulés. Le sulfate de fer agricole est de
qualité douteuse du point de vue pureté (après dissolution il nécessite au
moins une décantation ou une filtration).
f)
Pour utiliser le phosphate diammonique granulé comme source
de phosphore, si l'on n'en a pas d'autre, F. Ayala procédait comme suit : dans
un litre d'acide chlorhydrique 0,5 N (50 ml d'acide concentré à 33 %, dilué
dans un litre d'eau) ajouter 250 g de phosphate broyé et porter à l'ébullition
; éliminer la couche huileuse surnageant et récupérer le liquide décanté;
répéter une deuxième fois sur les boues; mélanger les deux liquides décantés,
soit environ 1,5 litres contenant à peu près 50 g de phosphore en solution
utilisable, correspondant à 5 kg de spiruline. Vérifier que la spiruline
produite à partir de cette source de phosphore répond à la norme en cadmium.
g)
L'apport des oligo-éléments par les traces contenues dans l'eau d'appoint et
les sels peut ne pas suffire. Si l'eau d'appoint est trop pure (eau de pluie
par exemple), on peut utiliser du sel non raffiné (plus éventuellement un peu
d'argile et/ou d'eau de cendres) afin d'apporter des oligo-éléments, sans
oublier de pratiquer les purges correspondantes en cas de salinité exagérée.
Mais on peut aussi apporter une partie de l'azote par du nitrate du Chili
(riche en oligo-éléments) ou bien on peut utiliser des concentrés d'oligo-éléments
préparés à partir de produits chimiques (cf § 7.7 CULTURE.htm - oligoéléments et annexe A26
A.htm
- A26).
h)
L'apport de calcium (chaux ou mieux nitrate ou chlorure de calcium) n'est
nécessaire qu'au cas où l'eau d'appoint n'en contient pas assez, ou si l'on
veut une spiruline enrichie en calcium comme celle de plusieurs producteurs
industriels.
i)
La consommation de chlorure est théoriquement de 7 g de NaCl/kg de spiruline,
mais il est pratiquement inutile d'en ajouter, sauf longévité extraordinaire du
milieu de culture. Il est strictement inutile d'en ajouter en cas d'utilisation
d'urine ou d'eau de mer.
j) Lorsque le milieu contient simultanément les ions
ammonium (NH4), magnésium (Mg) et phosphate (PO4), ce qui est le cas habituel
aux pH intermédiaires, les concentrations de ces ions sont interdépendantes
parce que la solubilité du phosphate mixte d'ammonium et de magnésium est
extrêmement faible. Pour éviter des déséquilibres, il faut maintenir la
concentration en ammonium faible. La concentration en ammonium est
automatiquement faible si l'urée est apportée par petites fractions et si le pH
est élevé (une partie de l'ammonium se transformant en ammoniac NH3 sous l'effet
du pH élevé). Il est recommandé de maintenir la concentrations en Mg
approximativement égale à la concentration en P. En l'absence d'ammonium le
phosphate de magnésium est lui-même assez insoluble.
h)
Pour simplifier l'exploitation, on peut se contenter de nourrir la spiruline
seulement une fois par mois mais cela entraîne des fluctuations assez fortes
dans la composition de la spiruline, notamment en fer. C'est pourquoi il est
recommandé de nourrir plutôt hebdomadairement, voire quotidiennement. Si l'urée
est utilisée, elle doit être apportée quotidiennement. La base de la
nourriture à apporter n'est pas la quantité récoltée mais celle produite par
photosynthèse (il y a une différence significative si la concentration en
spiruline varie notablement).
Et si l'on n'a pas de produits chimiques ?
Il suffit d'ajouter 17 litres d'urine
(c'est une dose moyenne puisque la concentration de l'urine est très variable
en fonction du sujet et de son régime alimentaire) par kg de spiruline
récoltée, plus le fer. L'urine apporte aussi du carbone, ce qui réduit la
tendance du pH à monter et permet d'augmenter la productivité de 2 g/m²/jour en
l'absence d'autre alimentation carbonée. Cette solution n'est proposée que pour
répondre à des situations de survie, ou pour fournir de la spiruline destinée à
l'alimentation animale, ou encore pour ceux qui préfèreraient une spiruline
vraiment "biologique". Attention à répartir la dose régulièrement
(comme pour l'urée) et à ajouter l'urine juste après la récolte (en tous cas pas
le soir) et seulement par beau temps; en régime de croisière, il est recommandé
de limiter la productivité à 7 g/j/m², donc de ne pas ajouter de sucre, et de
maintenir une hauteur de liquide assez élevée (minimum 20 cm) et aussi une
concentration en spiruline d'au moins 0,4 g/l. Pour une
consommation personnelle de la spiruline produite, la stérilisation de l'urine
(personnelle) avant usage n'est pas une nécessité (l'auteur n’a jamais
stérilisé), mais sinon elle parait indispensable au moins pour des raisons
psychologiques. La stérilisation peut s'effectuer par dissolution de 5 g de
soude par litre quelques heures avant utilisation. Dans les pays où les
parasites sont fréquents (Afrique noire par exemple), il faut considérer que
l'urine peut contenir certains parasites résistant à ce type de stérilisation
par pH élevé. Par ailleurs voir les N.B. a), b) et e) ci-dessous.
Une application spéciale de
l'utilisation de l'urine pour faire de la spiruline est le recyclage des
déchets biologiques des spationautes dans les futures stations spatiales: la
spiruline est le meilleur moyen à la fois de retransformer le CO2 en oxygène et
les déchets en nourriture. Ce procédé est à l'étude dans de grands laboratoires
dans différentes parties du monde
La production de spiruline
"biologique" est également possible sans recourir à l'urine, en
n'utilisant que des produits "naturels" (cf § 4.3 MILIEU.htm
- bio)
comme la trona, le nitrate du Chili, le sulfate de magnésium sous-produit des
marais salants et l'acide phosphorique extrait de la poudre d'os, ainsi que les
feuilles d'espèces végétales comestibles bon marché. En Californie une
spiruline dite biologique est déjà en vente (mais la réglementation dans cet
Etat est différente de celle en vigueur en France). Récemment le nitrate du
Chili s'est vu refuser l'agrément "bio" en Europe, alors que le
Ferfol est admis.
N.B.
a)
Comme l'urine ne contient pas de fer, son utilisation ne dispense pas d'ajouter
du fer.
b)
L'urine utilisée doit avoir une odeur et une couleur normales et provenir de
donneurs sains et ne prenant pas de médicaments pouvant entraîner une toxicité
pour les spirulines, comme les antibiotiques.
c) On dit que le sang d'animal
serait un bon aliment pour la spiruline et qu'on peut l'utiliser à dose
relativement importante (50 ml/l de milieu de culture). Attention aux
contaminations possibles cependant. Nous n’avons jamais essayé d’utiliser du
sang.
d)
Il est parfaitement possible de "panacher" produits chimiques et
produits naturels.
e)
L'utilisation d'urine comme engrais unique convient surtout quand l'eau est un
peu calcaire (20 mg de calcium/litre) mais pas trop calcaire ; en effet
l'apport de calcium et de magnésium par l'urine est un peu faible et un appoint
venant de l'eau est le bienvenu, mais tenir compte aussi que l'urine apporte un
excès de phosphore trop faible pour compenser une dose forte de calcium.
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