5) ENSEMENCEMENT

 

5.1) Quelle souche de spiruline utiliser ?

 

Il existe des spirulines de "races" (souches) différentes, bien qu'elles aient toutes des caractères communs qui les distinguent des autres algues. On reconnaît très vite au microscope ou même à la loupe de fort grossissement (25 fois) si les spirulines sont spiralées ou droites mais il est moins facile de dire de quelle souche il s'agit car les spirulines ont une forte tendance à changer de taille et de forme (spiralée plus ou moins serrée ou "ondulée" ou droite). En présence de formes droites il existe un doute : s'agit-il de spirulines ou d'algues Oscillatoria semblables aux spirulines droites et dont certaines sont toxiques ? Un œil exercé ne peut confondre une droite avec une des Oscillatorias toxiques courantes (CULTURE.htm - étrangères). Un trop fort pourcentage de droites conduit à des difficultés de récolte. Donc prendre de préférence une semence 100 % spiralée, de grande taille, d'un beau vert tirant vers le bleu-vert, filtrant facilement. On peut se procurer des souches pures à l'Institut Pasteur ou encore chez Antenna Technologies à Genève. Toutes sont en fait des "Arthrospira platensis spp" selon la dénomination scientifique. Nous appelons "spiralées  type Lonar" les souches dont les filaments sont en "queue de cochon", telle la "Lonar". Nous appelons "spiralées ondulées" (ou "ondulées" tout court) les souches dont les filaments sont en spirale étirée, telle la "Paracas". Pour faciliter le choix de la souche, voici quelques éléments utiles :

 

- Les spiralées type Lonar flottent plus que les ondulées et les droites, ce qui permet éventuellement leur séparation.

- Les spiralées filtrent mieux et leur biomasse ²fait la boule² sur le filtre, du moins lorsque le milieu de culture est assez pur.

- Les spiralées ont plus tendance à former des peaux et grumeaux verts flottants, surtout à pH bas et en l'absence d'ammonium (cf § 7.9 CULTURE.htm - basph), ce qui est un inconvénient.

- La teneur en matière sèche dans la biomasse essorée prête au séchage est plus élevée chez les ondulées et les droites que chez les spiralées type Lonar, ce qui est un avantage.

- La biomasse des spiralées type Lonar sèche plus facilement.

- Les ondulées n’ont pratiquement pas tendance à devenir droites.

- les ondulées résistent au pompage par pompe centrifuge, alors que les spiralées se cassent.

 

Il n'y a pas de différences de composition ou de valeur nutritionnelle notables entre ces souches, par contre la couleur verte des ondulées est plus sombre; certains préfèrent la couleur et la saveur de l'une ou l'autre souche, mais ceci est affaire de goût personnel.

 

Les ondulées et les droites ont des caractères communs, mais les ondulées ne souffrent pas de la suspicion de ne pas être de "vraies" spirulines.

 

Au total, notre préférence pratique va aux ondulées, bien que les spiralées soient plus belles d’aspect au microscope.

 

5.2) Ensemencement à partir d'une quantité importante de semence

 

Pour ensemencer il suffit de transvaser dans du milieu de culture neuf un certain volume de culture provenant d'un autre bassin en production jusqu'à ce que la couleur devienne verte (le "disque de Secchi" A.htm - Secchi ne doit plus se voir à 5 cm de la surface). On ensemence de préférence le soir. On peut réduire le volume à transférer en prélevant du surnageant concentré ou encore en récoltant de la spiruline sans l'essorer (bien la disperser dans un peu de milieu de culture avant de la verser dans le bassin, ceci pour éviter de laisser des grumeaux, ce qui n'est pas facile avec les souches spiralées : utiliser par exemple une hélice de mélangeur de peintures branchée sur une perceuse).

 

Pour réussir le démarrage d’une culture, on a toujours intérêt à démarrer aussi concentré que possible en spiruline. C'est pourquoi on démarre avec le niveau minimum de liquide (par exemple 5 à 10 cm) si la disponibilité de semence est limitée.

 

Si la culture commençante est trop diluée ("Secchi" supérieur à 5 cm), il faut ombrer, sinon on risque la mort des spirulines par photoxydation au soleil. Il faut aussi veiller à éviter les dépôts minéraux qui entraînent avec eux des spirulines (pour cela filtrer au besoin le milieu neuf avant de l'ensemencer et maintenir l'agitation pendant la nuit si possible). Si le niveau initial est le niveau normal, et si le milieu neuf est à base de bicarbonate, ne pas ensemencer trop concentré non plus, sinon il faudra récolter avant que le pH ait atteint le niveau minimum de 9,6 recommandé (cf § 7.13 CULTURE.htm - hautph) ; mais il est facile de démarrer avec un milieu de culture à pH 9,6 ou plus en mélangeant au bicarbonate du carbonate de soude ou de la soude (cf Annexes A12 A.htm - A12 et A13 A.htm - A13). Un autre avantage d'un pH initial élevé est la réduction de la tendance initiale à la formation de grumeaux avec les souches spiralées, avantage pouvant être décisif quand on a peu de semence : il ne faut pas en perdre en grumeaux !

 

Il est permis de stocker quelques jours et transporter une semence très concentrée (3 à 4 g/l par exemple, pas plus), à condition de l'agiter et de l'aérer au moins de temps à autre sinon elle fermente et sent mauvais. A 2 g/l, le transport peut durer dix jours. A noter qu'une couche flottante prélevée avec soin peut titrer 5 à 10 g/l. Dans une semence très concentrée le pH baisse et une odeur mercaptée (odeur de choucroute) se développe au cours du temps. Après l'ensemencement avec une spiruline ayant "souffert" au stockage, le nouveau bassin peut mousser excessivement, mais cela disparaît normalement en un à deux jours.

 

La semence se conserve mieux à basse température, vers 10°C par exemple (réduction de la respiration).

 

5.3) A partir d'une petite quantité de semence

 

Pour implanter une culture de spiruline dans un site qui en est dépourvu, ou pour redémarrer avec une nouvelle souche, il n'est généralement pas possible de disposer d'une grande quantité de culture pour ensemencer. Fréquemment on ne dispose que d'un flacon rempli à moitié seulement (pour maintenir assez d'oxygène). On peut se procurer une souche pure auprès de Jacques Falquet (jfalquet@antenna.ch). Si on a acheté une souche à l’Institut Pasteur, on n’aura que quelques millilitres de culture au départ (N.B. le milieu de culture indiqué par l’Institut Pasteur dans sa documentation accompagnant ses souches correspond au maintien des souches et il diffère du milieu ce culture pour la croissance). Ou bien on doit même partir d'un seul filament isolé (cf § 5.6: monoclo).

 

Supposons que le point de départ soit 150 g de culture à 1 g/l de concentration en spiruline et que l'objectif soit de multiplier le volume de semence initial pour ensemencer un bassin de 1000 litres. Il va falloir faire au moins 4 cultures successives, en multipliant chaque fois le volume par 5, ce qui demande environ trois semaines au total (avec un taux de croissance de 35 %/jour, facile à obtenir avec du milieu de culture à base de bicarbonate). La première mini-culture se fera dans un bocal de deux litres, la seconde dans une bassine de 10 litres, la troisième dans une bassine de 50 litres, la dernière dans un mini bassin provisoire en film plastique de 1 m² (ou plusieurs grandes bassines).

 

Si la concentration initiale de chaque culture est plus faible que Secchi = 5 cm, il faut non seulement ombrer mais agiter jour et nuit (sinon les spirulines peuvent s'agglomérer, notamment sur les bords, et ne plus pouvoir se disperser ensuite). Il est possible d'éviter cette agglomération en relevant le pH, mais cela augmente les boues minérales qui peuvent piéger aussi les spirulines. On arrive quand même à démarrer une culture en partant de très faibles concentrations (Secchi = 15).

 

L'agitation continue des cultures en petits récipients (bouteilles, seaux, bassines par exemple) se fait au moyen d'un petit bullage d'air comme dans un aquarium et nécessite un rapport hauteur de liquide/diamètre élevé, égal ou supérieur à 1, avec si possible un fond conique, le tube d'amenée d'air débouchant tout près du fond (il existe des compresseurs d'aquarium fonctionnant sur pile électrique). Il est pratique de chauffer et éclairer simultanément les petites cultures initiales en laboratoire par des lampes à incandescence ou halogène placées à la bonne distance pour maintenir automatiquement environ 35°C dans la culture.

 

L'agitation de volumes importants (> 100 litres) de cultures diluées peut se faire au moyen d'une petite pompe d'aquarium, mais on a intérêt à ne pomper qu'un quart d'heure par heure pour ne pas abîmer les spirulines, donc à utiliser un programmateur à horloge. Les souches ondulées sont beaucoup moins sensibles aux dégats des pompes.

 

Pour éviter la formation de grumeaux (surtout avec les souches spiralées type Lonar et s'il n'y a pas d'agitation continue) au début de l'ensemencement, il faut diluer très progressivement la semence concentrée, en ajoutant des petites doses de milieu de culture neuf à base d'urée, par exemple à chaque agitation, en gardant une concentration élevée en spirulines les deux premiers jours. On a ensuite intérêt à conserver une concentration en spiruline élevée (0,3 g/l ou plus) et donc à diluer le moins possible la culture à chaque augmentation de volume: une dilution progressive (par exemple quotidienne) est la meilleure. On peut pour cela utiliser un "bassin à géométrie variable", extensible en surface, facile à réaliser avec du film plastique. Chaque augmentation de volume (donc surface) se fait par dilution à l'aide de milieu de culture neuf (de préférence à base de bicarbonate). Le milieu neuf de dilution - s'il est à base d'urée comme source d'azote - doit comporter une forte dose d'urée (0,05 g/l) ou, s'il est à base d'urine: 8 ml d'urine/l. Si le milieu neuf est à base de bicarbonate, donc de pH = 8, le pH de la culture se maintient autour de 9,6 pendant sa phase d'extension. Ce pH peut ne pas être suffisant pour éviter les grumeaux de spiralées: dans ce cas relever le pH en ajoutant du milieu à base de carbonate jusqu'à pH = 10,3.

 

N.B.:

 

1) Une culture peut mourir suite à une dilution, un éclairage ou un chauffage trop forts ou un excès d'urée.

2) L'augmentation de niveau d'un bassin doit se faire par ajout de milieu de culture. L'ajout directement dans le bassin des sels non dissouts peut être très dangereux pour la culture.

3) Si on prépare d'avance une réserve de milieu de culture de dilution, la garder peu de temps et fermée et à l'obscurité pour qu'elle ne risque pas de se contaminer par des algues étrangères.

 

5.4) Taux de croissance initial

 

La vitesse de croissance dépend de plusieurs facteurs dont le pH. Elle est maximum à pH inférieur à 10, donc on a intérêt à utiliser du bicarbonate pour démarrer rapidement une nouvelle culture. On a aussi intérêt à maximiser la surface de culture (donc bassin peu profond si possible). La méthode d'extension progressive de la surface de bassin ("à géométrie variable") décrite au § précédent favorise une croissance rapide. On caractérise au mieux la rapidité d'implantation d'une nouvelle culture en calculant le taux de croissance exponentielle dans la phase initiale de croissance qui précède la phase des récoltes. Ce taux s'exprime en %de croissance en poids par jour. Dans des conditions favorables, en milieu à base de bicarbonate, il peut dépasser 30%/jour. A partir d'un gramme de semence (exprimé en spiruline sèche), un taux de 20%/jour permet d'obtenir 20 m² de bassin de 15 cm de profondeur prête à la récolte en 40 jours, ou 120 m² en 50 jours.

 

N.B. On serait tenté d’éclairer les cultures 24 heures par jour pour augmenter le taux de croissance, mais il ne faut pas soumettre les spirulines à plus de 16 heures d'éclairement par jour, même si l'on dispose d'éclairage artificiel.

 

5.5) Réserve de semence

 

En temps normal les bassins eux-mêmes servent de réserve s'ils restent en bonne santé et sans contaminant, mais il faut prévoir les accidents et comment passer la mauvaise saison éventuelle. On a aussi intérêt, parfois, à vidanger complètement les bassins et à les redémarrer à zéro pour assurer le maintien d'une bonne qualité de spiruline (sans contaminant, sans droites, filtrant bien). Pour cela il faut disposer de semence pure. Il est donc recommandé de conserver un peu de souche pure "en laboratoire" (= dans la maison), à température modérée ou ambiante, sous faible éclairage environ 12 heures/jour (en l'absence totale de lumière la spiruline meurt en quelques jours, par exemple en 2 jours à 35°C), légèrement agitée, et renouvelée ("repiquée") tous les 2 ou 3 mois : dans ces conditions, elle se conserve bien alors qu'en culture trop intensive elle a tendance à muter et peut dégénérer. Une bouteille en plastique convient très bien comme récipient. Pour agiter et aérer, le plus pratique est un petit compresseur d'air électrique pour aquarium, qu'on peut ne faire marcher que de temps en temps grâce à un programmateur (il existe de tels compresseurs et programmateurs fonctionnant sur courant continu). Pour à la fois éclairer et chauffer la culture il suffit d'une lampe de chevet de 40 Watt dirigée horizontalement vers la bouteille, à la distance donnant une température correcte (< 30°C). Pour conserver des quantités plus importantes de semence, on utilise des bassines ou aquariums, avec des lampes plus puissantes, à incandescence ou halogènes; les tubes luminescents chauffent peu et conviennent si la température ambiante est suffisamment élevée. Photo d'une réserve de semence :

 

 

 

5.6) Sélection et culture monoclonale

 

L'ensemencement à partir de n'importe quelle semence donne une culture ayant les mêmes contaminants éventuels que la semence. Pour être sûr d'avoir une culture pure ("monoclonale"), il faut théoriquement partir d'un seul filament sélectionné et lavé avec du milieu stérile.

 

Il est possible de séparer un filament individuel à partir d'un mélange de souches. Diverses techniques, basées sur une dilution de la culture d'origine, sont utilisables pour effectuer cette séparation, qui reste une opération difficile pour un non-spécialiste. Il est plus facile et rapide de prélever dans une culture très peu contaminée (par des spirulines droites par exemple) une goutte sans contaminant : la sélection se fait par examen au microscope à faible grossissement, en rejetant les gouttes contaminées ne serait-ce que par un seul filament étranger et en mettant les gouttes pures dans du milieu de culture filtré (en rinçant la lame de microscope à la pissette remplie de milieu de culture filtré). On collecte autant de "gouttes" pures que l'on peut dans le temps disponible : plus il y en aura, plus vite on obtiendra une semence utilisable. Il est prudent de faire cette opération de sélection régulièrement pour maintenir ainsi un stock pur de sécurité sans attendre qu'un % de contaminants (droites par exemple) trop élevé rende l'opération de sélection difficile.

 

 

 

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