7)
CONDUITE ET ENTRETIEN DE LA CULTURE
Sommaire :
7.1) Récoltes
7.2) Agitation
7.3)
Evolution du pH
7.4) Ombrage
7.5)
Niveau d'eau
7.6) Fer
7.7) Oligoéléments
7.8) Comment augmenter la productivité par apport de carbone
7.9)
Exopolysaccharides (EPS)
7.10) Anomalies
7.11) Contamination par petits animaux
7.12)
Contamination par des Droites ou des algues étrangères
7.13) Contamination par microorganismes
7.14)
Empoisonnement
chimique
7.15)
Manque d'oxygène (hypoxie)
7.16) Maladies
7.17)
Métaux lourds
7.18)
Nettoyage des bassins
7.19)
Epuration du milieu de culture
On récolte de manière à maintenir la
concentration en spirulines au niveau désiré, par exemple entre 0,3 et 0,7 g/l,
pas forcément tous les jours. Si le milieu est trouble, en tenir compte lors de
la mesure de concentration au disque de Secchi (A.htm - A2. En l'absence de
récoltes, avec suffisamment de nutriments, la concentration en spiruline croit
jusqu'à l'équilibre entre photosynthèse et respiration, correspondant à environ
250 g de spiruline/m² de bassin. Il n'est pas bon pour la culture de rester
longtemps sans être récoltée, à très haute concentration : cela peut même être
une cause de mortalité pour elle. Inversement il n'est pas bon d'abaisser la
concentration en dessous de 0,4 g/l, en tous cas de 0,3 g/l : la productivité
est plus forte aux basses concentrations mais la culture y est moins stable, et
la spiruline y est produite avec une teneur en phycocyanine moins élevée.
7.2)
Agitation (cf § 3.4 BASSINS.htm - agit)
Agitation manuelle : on agite au moins
4 fois par jour, mais la fréquence minimum dépend des conditions et de la
souche ; elle augmente avec l'intensité de la lumière et de la flottation. Au
milieu d'une journée très chaude, sans ombrage, l'agitation d'une souche
flottant fortement doit être très fréquente (au moins deux fois par heure) ou
même continue.
Si l'on dispose d'un mode d'agitation
électrique sans danger pour les spirulines (par exemple bullage d'air, hélice
ou roue à aubes), l'agitation peut être continue (avec arrêt 15 minutes/heure).
Avec les pompes, il vaut mieux ne pas agiter en continu une souche spiralée
(type Lonar), mais seulement 15 minutes/heure. L'agitation continue est
possible avec les ondulées (Paracas).
La nuit l'agitation peut théoriquement
être arrêtée, mais quand c'est possible deux ou trois agitations nocturnes sont
bénéfiques pour diminuer les risques de grumeaux et améliorer l'oxygénation du
milieu (auto-épuration). L'agitation continue nocturne, quand elle est
possible, favorise nettement l'auto-épuration du milieu.
La productivité d’une culture intensive
dépend fortement de l’agitation, sans que nous soyons encore en mesure de
réellement quantifier cet effet. Plusieurs expérimentateurs rapportent des
productivités records (jusqu’à 30, voire 40 ou 50 g/jour/m² !) dans des
conditions d’agitation excellentes, en général en petits bassins, en tubes ou
au laboratoire.
Dans les programmes de simulation
présentés ici (CALCUL.htm)
la convention suivante a été adoptée pour traiter ce problème :
7.3)
Evolution du pH
Un bon test de croissance d'une culture
est son augmentation de pH. En l'absence de supplémentation en carbone et s'il n'y a pas de carences minérales, pour une basicité
voisine de 0,1 N, une hauteur de liquide voisine de 20 cm et une concentration
en spiruline voisine de 0,4 g/l, avec température et ensoleillement élevés,
l'augmentation de pH normale se situe au voisinage de 0,1 unité/jour dans la
gamme de pH entre 10 et 10,6. Une autre façon de vérifier que la photosynthèse
est active est d'observer le dégagement d'oxygène à la surface du bassin en
l'absence d'agitation.
En l'absence de supplémentation en carbone le pH peut monter à 11,5 et plus, mais la spiruline ne peut
supporter longtemps un pH supérieur à 11,3. Un demi-ombrage suffit généralement
à maintenir le pH en dessous de 11. Si l'agitation est bonne, on peut empêcher
la montée excessive du pH sans mettre d'ombrage en maintenant un stock de
spiruline élevé (> 150 g/m²), c'est-à-dire une concentration en spiruline
supérieure à environ 0,7 g/l pour une hauteur de liquide de 20 cm, ce qu'on
peut appeler faire un "auto-ombrage".
L'ombrage est par ailleurs nécessaire
quand la température de la culture est trop basse (< 10°C) par grand soleil,
sinon la culture peut facilement mourir par photolyse.
Il faut ombrer aussi pour économiser
l'eau en saison sèche, ou si la température a tendance à dépasser 38°C dans la
culture.
Une
culture sous ombrage est plus facile à récolter et la qualité de la spiruline
est améliorée (plus riche en pigments), moyennant une diminution de la
productivité qui peut rester modeste.
Veiller à ajouter de l'eau dans le
bassin (de préférence le soir) pour maintenir le niveau voulu. Ne pas ajouter
plus de 10 % du volume du bassin par jour. Si l'eau d'appoint est très calcaire
il se produit des boues minérales dans le bassin et à la longue il est
préférable de les éliminer. L'eau d'appoint contient aussi des sels solubles
qui augmentent peu à peu la salinité (de même l'utilisation de nitrate comme
source d'azote ou de bicarbonate comme source de carbone augmente la salinité)
; ceci peut obliger à pratiquer des purges pour empêcher la salinité de
dépasser 30 à 50 g/l. Mais l'eau d'appoint (sauf l'eau de pluie) apporte aussi
des oligoéléments bénéfiques. Si l'évaporation est notable et si l'eau
d'appoint est très calcaire, du carbonate de calcium précipite et se retrouve
dans les boues, et cela a pour effet de baisser le pH et la basicité ; dans ce
cas de figure il y a risque de coprécipitation de phosphate de calcium :
surveiller de près la teneur en phosphate et la basicité du milieu et rajouter
du phosphate et du bicarbonate au besoin.
Dans les bassins ouverts, la pluie est
bénéfique tant qu'elle reste modérée (par exemple 10 % du volume du bassin par
jour), mais une dilution brusque trop forte du milieu de culture fait tomber
les spirulines au fond. En fin de saison des pluies on a intérêt à garder le
niveau maximum permis par le bassin (ce qui permettra d'économiser de l'eau en
saison sèche). Si la source d'alcalinité n'est pas rare, et/ou si la
pluviométrie n'est pas excessive, on peut admettre dans le bassin toute la
pluie qui tombe, en veillant à pratiquer à temps des purges de milieu de
culture pour empêcher le bassin de déborder ; ces purges se font en récoltant
sans recycler le filtrat ou en aspirant le fond pour éliminer des boues, puis
en remettant dans le bassin les sels correspondant au volume de milieu de
culture éliminé. Ces purges maintiennent la qualité du milieu de culture et lui
apportent des oligoéléments contenus à titre d'impuretés dans les sels d'appoint.
Si on ne dispose pas de concentré d'Oligoéléments, on peut être
amené à pratiquer des purges dans le seul but d'introduire des oligoéléments
par l’eau et les sels !
Un niveau d'eau élevé (30 cm ou même
plus) réduit les surchauffes en climat très chaud et est probablement utile
pour faciliter l'autoépuration du milieu de culture (cf MILIEU.htm -
épuration).
Un niveau bas est intéressant pour réduire la dépense en milieu de culture, mais
nécessite un fond bien plat (avec un point plus creux pour faciliter la récolte
du flottant à la bassine ainsi que la vidange), des purges suffisantes pour
maintenir la qualité du milieu et une surveillance accrue du pH, de la
température et de la concentration en nutriments pour ne pas dépasser les
limites autorisées.
En bassin ouvert, si des purges ne sont
pas nécessaires pour maintenir la qualité du milieu et si les bords sont
suffisamment hauts, le niveau et la basicité varient en cours d'année : s'arranger
pour que le niveau minimum soit suffisant et pour que la basicité reste
suffisante ( > 0,05) lors du niveau maximum.
La spiruline est un aliment des plus
riches en fer. Il faut donc lui en fournir beaucoup, et sous une forme
assimilable ce qui n'est pas évident à cause du pH élevé du milieu de culture.
Si la spiruline n'est pas assez vert foncé, cela peut être du à un manque
d'azote, mais aussi à un manque de fer. Même une spiruline bien verte peut se
révéler faible en fer à l'analyse (par exemple 200 ppm). Parfois, mais
rarement, il y a assez de fer dans les sels et/ou l'eau utilisés. Il peut même
y avoir trop de fer dans l’eau si elle est ferrugineuse.
Le moyen
classique d'introduire du fer est de préparer une solution de fer à 10 g/l de
la manière suivante : dans 1/2 litre d'eau mettre avec 50 g de sulfate de fer
heptahydraté + 20 ml d'acide chlorhydrique concentré ; compléter à un litre
d'eau. [ N.B. La pureté des sulfates de fer vendus pour traiter les gazons est
souvent inadéquate: il faut alors filtrer ou décanter la solution ou recourir à
du sulfate pur]. L'emploi de 100 ml de solution de fer à 10 g/l par kg de
spiruline produite correspond à 1000 ppm de fer. En pratique 50 ml suffisent
généralement .
On peut aussi
faire tremper 50 g de clous rouillés dans un litre de vinaigre additionné du
jus de 4 citrons ou caramboles ; conserver en récipient non hermétique
(dégagement d'hydrogène), en agitant de temps en temps : on obtient au bout de
deux semaines un "sirop de clous" à environ 10 g/l de fer, qui peut
être utilisé comme source de fer "biologique".
Il est toujours préférable d'introduire
la solution de fer à faible débit dans le milieu de culture (au goutte-à-goutte
si possible) et sous agitation. Voici une procédure convenable : faire une
pré-dilution de la solution de fer (100 ml dans 10 litres d'eau), bien agiter
et ajouter lentement (si possible au goutte-à-goutte) dans la culture en
l'agitant très bien (cette agitation est essentielle).
Un chélatant
comme l'EDTA rend le fer plus assimilable par la spiruline, mais rend également
le fer de la spiruline plus assimilable par l'organisme humain (BIBLIOGRAPHIE.htm
- Manoharan). L'emploi d'environ 50 mg de sel disodique de l'EDTA
par litre de milieu de culture initial permet de porter facilement la teneur en
fer de la spiruline à 1000, voire 1500 ppm (ce qui est d'ailleurs jugé excessif
par certains médecins); on peut ensuite rajouter un peu de chélatant de temps
en temps. Les jus de citron (acide citrique) et surtout de carambole ont un
pouvoir chélatant pour le fer, de même que certains extraits aqueux de terre
végétale ou d'argile stérilisés par tyndallisation (portés 10 minutes à 80°C
deux fois à 24 heures d'intervalle).
On peut aussi utiliser comme apport de
fer des produits commerciaux contenant du fer chélaté, comme le Fetrilon 13 ou
le Ferfol à 13 % de fer chélaté à l'EDTA (ce qui correspond à un atome de fer
par molécule de sel disodique de l'EDTA cristallisé avec 2 H2O). Le Séquestrène
100 SG à 6 % de fer chélaté à l'EDDHA, réputé plus efficace que l'EDTA à pH
élevé, a l'inconvénient de fortement colorer en rouge le milieu de culture et
n'est pas recommandé.
Le sang (A.htm - sang) serait aussi une source de fer "biologique"
réputée très assimilable (à 9 g/l), mais nous ne l'avons pas essayé.
La dose de fer à apporter est un sujet
de discussion. Une dose moyenne de 500 ppm paraît convenable. Il est possible,
en cas de besoin, d'obtenir des spiruline extrêmement riches en fer (jusqu'à
5000 ppm)..
Plus on ajoute le fer régulièrement
plus la teneur en fer de la spiruline sera régulière. Si on n'ajoute le fer
(chélaté) qu'une fois par mois, par exemple, la teneur en fer de la spiruline
juste après l'ajout sera très forte (par exemple 1000 ppm), alors qu'elle sera
faible juste avant l'ajout (par exemple 300 ppm).
Un article récent de Puyfoulhoux B. et al. (2001) BIBLIOGRAPHIE.htm
- Puyfoulhoux tend à prouver que la biodisponibilité du fer de la
spiruline est équivalente à celle de la viande.
Au lieu de compter sur l'eau d'appoint
et les sels pour apporter les oligoéléments nécessaires à la croissance de la
spiruline, il peut être plus sûr et même plus économique de les apporter par
une solution concentrée toute prête (de coût très faible). L'ajout
d'oligoéléments semble un facteur positif pour assurer une bonne récoltabilité
de manière habituelle.
L'apport au moins des oligoéléments
majeurs (bore, cuivre, manganèse et zinc) parait recommandé en cas de faible
taux de renouvellement du milieu sur une longue période. Le risque de dépasser
la dose maximale permise pour un oligo-élément qui serait déjà présent en
quantité notable dans l'eau ou les sels utilisés est faible si la solution
d'oligoéléments est ajoutée au prorata des récoltes, à concurrence par exemple
du quart ou de la moitié des besoins théoriques. Il serait plus sûr de
n'ajouter que ce qui manque dans le milieu de culture, mais cela obligerait à
utiliser des moyens analytiques hors de portée de l'artisan. Il existe
différentes formules d'oligoéléments : A.htm -
formules.
La plus citée est celle du milieu Zarrouk BIBLIOGRAPHIE.htm-Zarrouk (cf
Annexe A18 A.htm - Limites) mais elle
parait inutilement compliquée, tout en étant incomplète..
L'apport de sélénium se fait
généralement par le sélénite de sodium, de manipulation délicate car très
toxique, que nous préférons éviter
Faut-il ajouter du cobalt ? C'est un
sujet de discussion lié au fait que la vitamine B12 (la cyanocobalamine, qui
contient du cobalt) est abondante dans la spiruline, alors que certains
réglements limitent l'ingestion de cette vitamine ; par ailleurs la vitamine
B12 de la spiruline serait riche en "analogues de B12" dont il
faudrait, selon certains, se méfier. Des éclaircissements scienifiques sur ce
sujet sont souhaitables. De toutes façons le cobalt ne semble jamais être
déficitaire dans le milieu de culture. La formule "J.P. Jourdan" omet
donc le cobalt.
Il y a un bon consensus sur l'intérêt
d'une dose majorée de zinc (incluse dans la formule "J.P. Jourdan").
Un autre moyen d'introduire du zinc, proposé par J. Falquet, est d'ajouter 20 g
de sulfate de zinc heptahydraté aux 50 g de sulfate de fer dans la préparation
de solution de fer rapportée au § prédédent
classique. Une dose de 500 ppm de zinc dans la
spiruline serait convenable (il est possible de multiplier par 10 cette dose en
cas de besoin).
Il y a un peu de nickel dans la
spiruline, mais on ignore si ce métal doit être considéré comme un oligoélément
bénéfique ou s'il est simplement absorbé: il n'a pas été inclus dans la formule
"J.P. Jourdan" en raison de risques possibles de toxicité sur
l'homme.
7.8) Comment augmenter la productivité
par apport de carbone
L'aliment principal de la spiruline est
le carbone dont la source normale est le gaz carbonique. La méthode de culture
la plus simple, où la nourriture carbonée vient de l'air (qui contient du gaz carbonique, mais extrêmement dilué),
présente une productivité modeste, mais qui, exprimée en protéines, reste très
supérieure à celle des meilleures cultures agricoles ou horticoles, et qui,
exprimée en calories alimentaires, leur est équivalente, et ceci sans consommer
plus d'eau, ou même nettement moins. L'absorption du CO2 atmosphérique se fait
nuit et jour, indépendamment des variations quotidiennes du temps, lequel n'influe
donc pas sur la productivité moyenne de ces cultures ; cette dernière n'est pas
non plus affectée par une température exagérée la nuit (le pH baisse à cause de
la respiration nocturne, mais sans perte de CO2, qui sera utilisé plus tard).
Dans ces cultures on maintient le pH vers10,6 ou moins en jouant sur l'ombrage, et
l’intensité de l’agitation n’est pas critique.
Si l'atmosphère du bassin communique
avec une source de CO2 dans l'air,
comme un compost en fermentation, une étable, une combustion de gaz propre ou
encore une source d'eau gazeuse, le pH du bassin par beau temps sera plus bas
et la productivité augmentera sensiblement. Le cas des gaz de combustion est
traité quantitativement dans le programme de simulation en Annexe.
Mais il est aussi possible d'augmenter
la productivité par beau temps, de la faire passer par exemple à 12 ou 15,
voire 20 g/jour/m², si l’agitation est suffisante, en injectant du gaz carbonique pur directement dans la
culture pour baisser son pH à 10 ou moins. La consommation de CO2 est de
l'ordre de 2 kg/kg de spiruline (théorie = 1,71). Le gaz est amené sous un
morceau de film plastique tendu sur un cadre flottant sur le bassin, formant
comme une "cloche" ou une "tente" quand le gaz s'y
accumule. La surface du cadre flottant doit être de 3 % de la surface du
bassin. On règle le débit de gaz pour ne pas en perdre trop par les bords du
cadre. Eviter l'entrée de bulles d'air et purger une fois par jour l'oxygène
qui s'accumule sous le plastique. On a intérêt à faire buller le gaz au fond du
bassin à travers un diffuseur donnant des bulles très fines, ou même au bas
d'un puits pratiqué au fond du bassin (si la hauteur de barbotage est
supérieure à 30 cm on peut se passer de la cloche flottante en film plastique).
A noter qu'on obtient un meilleur rendement d'absorption du CO2 la nuit en
raison de l'absence de dégagement d'oxygène dans le milieu de culture. Une
autre façon d'injecter le gaz est de l'introduire dans un venturi à la sortie
d'une pompe et de faire parcourir à l'émulsion un ou deux mètres de tuyau.
Si l'on ne dispose pas de gaz
carbonique en cylindres mais d'une fermentation
alcoolique à proximité du bassin de spiruline, il est assez facile de capter le
gaz carbonique pur produit par la fermentation, mais sa pression sera trop
faible pour passer à travers un diffuseur et la surface du cadre flottant devra
être majorée de moitié, à moins d'utiliser un compresseur d'aquarium ou une
pompe d'aquarium munie d'un dispositif aspirant émulsionneur de gaz.
Au lieu de gaz
carbonique on peut utiliser du bicarbonate,
mais alors il faudra pratiquer des purges pour maintenir la salinité à un
niveau acceptable (densité voisine de 1015 g/l) et rajouter les éléments du
milieu de culture (autres que le bicarbonate) correspondant au volume purgé. Il
faut environ 2 à 6 kg de bicarbonate par kg de spiruline, selon la productivité
souhaitée. Cette méthode est très pratique ; elle évite notamment d'avoir à
surveiller le pH. Les purges prévues au § 7.5 (niveau) comptent
dans le total des purges à effectuer. On peut simplifier la procédure de purge
en incluant dans la nourriture des spirulines les sels perdus dans la purge :
il suffit alors de remplacer le volume purgé par le même volume d'eau ; la
formule de nourriture fournie par les programmes de calcul en Annexes A27 et
A30 est établie sur cette base. La pratique des purges demande des précautions
vis-à-vis de l'environnement (voir § 4.5 dans MILIEU.htm -
Epuration).
Si l'évaporation est notable et si l'eau d'appoint est très calcaire, du
carbonate de calcium précipite et se retrouve dans les boues, et cela a pour
effet de réduire les purges et de diminuer la consommation de bicarbonate,
moyennant une augmentation de la quantité de boues minérales qui, elles,
devront être éliminées ; dans ce cas de figure il y a risque de coprécipitation
de phosphate de calcium : surveiller de près la teneur en phosphate dans le
milieu et rajouter du phosphate au besoin.
La proximité d'un lac naturel sodique offre une très intéressante possibilité : celle
d'y envoyer les purges et d'y puiser de quoi les remplacer. En général les lacs
sodiques sont à un pH voisin de l'équilibre avec l'air, c'est-à-dire proche de
10. Le pompage d'eau du lac dans la culture à pH 10,5 lui apporte donc du CO2.
L'eau du lac doit être filtrée (par exemple sur filtre à sable) avant d'être
admise dans la culture, pour ne pas risquer de la contaminer. Si sa composition
n'est pas correcte pour la spiruline, il convient de la corriger par les
apports nécessaires (en général ce sera de l'urée et du fer) et de la diluer si
sa salinité est trop élevée. Les purges recyclées au lac y sont épurées
biologiquement par un processus naturel. Le fait de disposer de CO2
pratiquement gratuit permet de faire des apports de carbone importants et de
pousser la productivité par beau temps facilement à 12 g/jour /m² (moyennant un
pompage de l'ordre de 3000 litres par kg de production, pour une salinité de
l'ordre de 13 g/l).
Le sucre
constitue une autre possibilité d'introduction de nourriture carbonée (BIBLIOGRAPHIE.htm
- Jourdan1996). Sa consommation théorique, en l'absence d'autres
sources de carbone, est de 1,11 kg/kg. Le poids de sucre qu'un bassin est
capable d'oxyder dans la journée est du même ordre que sa production de
spiruline : c'est la dose à ne pas dépasser de toutes façons. Ajouter le sucre
le matin, les jours de beau temps seulement, afin de ne pas provoquer d'odeurs
de fermentation, un mauvais rendement de transformation du sucre en CO2 et une
production de boues flottantes excessives (cf § 7.15 : boues), surtout si
le milieu contient d'autres matières organiques. Pour que le sucre puisse
fermenter en produisant du CO2, il est souvent nécessaire que le pH soit
inférieur à 10,8 (mais j'ai vu au moins une fois le sucre baisser rapidement le
pH d'une culture qui avait atteint 11,1). Si les ferments ont été stérilisés
par un pH trop élevé, réensemencer la culture avec un "levain"
prélevé sur un autre bassin. Commencer à "sucrer" dès que le pH
atteint 10,4 ; il faut deux jours pour en voir l'effet ; régler ensuite
l'apport de sucre pour maintenir le pH autour de 10,4; une dose moyenne de 0,6
kg/kg de spiruline suffit en général, par beau temps. En fait il est recommandé
de ne pas dépasser la dose de 6 g de sucre/m²/jour de beau temps (et même de
préférence 3) si l'on veut éviter des effets secondaires indésirables comme une
turbidité excessive du milieu de culture et des difficultés de récolte pouvant
aller jusqu'à l'impossibilité d'essorer la biomasse par pressage, surtout en
début de période de sucrage. Ces difficultés peuvent provenir d'un manque
d'azote (provoquant une surproduction d'exopolysaccharides) du à la
consommation d'azote par les ferments ; en début de sucrage, il est donc bon de
majorer l'urée. La teneur en protéines
de la spiruline obtenue avec le sucre est rigoureusement identique à celle
d'une production au CO2.
Le sucre peut être remplacé par de la
canne à sucre écrasée, à raison de 7 kg/kg de sucre (laisser tremper la canne
une journée ou plus dans le bassin puis la retirer) ou par du jus de canne.
Eviter d'utiliser la mélasse, trop impure ; par contre le miel ou le glucose
pur seraient excellents s'ils étaient moins chers. Le sucre peut aussi être
apporté par divers produits en contenant comme le petit lait (ne pas dépasser
la dose de 4 litres par kg de spiruline). Il peut aussi être remplacé par des
feuilles de plantes fraîches : des feuilles vertes mises à tremper dans la
culture (dans un filet de préférence) subissent une attaque par le milieu
basique qui dissout en quelques jours tous leurs éléments sauf la cellulose, ce
qui constitue un moyen de nourrir la spiruline en carbone et aussi en éléments
minéraux. Les feuilles doivent être d’espèces végétales choisies pour leur
non-toxicité et leur facilité de dissolution ; choisir de préférences des
plantes comestibles mais peu prisées donc bon marché comme l'ortie. A noter que le sucre et les feuilles à forte
dose provoquent une augmentation de la turbidité du milieu, dont il faut tenir
compte lors de la mesure de la concentration par le disque de Secchi (A.htm - Secchi). Une telle culture est moins "propre" : plus de
boues, filtration moins rapide, et risque plus grand de microbes pathogènes
devenus résistants aux pH élevés.
Le remplacement du sucre par le glucose
permet théoriquement de réduire les inconvénients du sucre. Le glucose est en effet
réputé être directement assimilable par la spiruline ou bien il peut être
directement oxydé par l'oxygène de photosynthèse : les ferments deviendraient
inutiles, d'où une culture plus "propre" et filtrant mieux, et
possibilité de travailler à pH > 10,8 si on le désire. La seule fois où nous
avons voulu utiliser du glucose commercial pur à la dose de 1 kg/kg il s'est en
fait comporté à peu de chose près comme le sucre ; au bout de 15 jours le pH
était bien maintenu à 10 mais la turbidité du milieu de culture était montée à
Secchi noir = 6 cm (la filtration restant facile). Cette turbidité disparaît
quelques jours après la réduction ou la suppression de l'ajout de glucose. Il
semble que le glucose renforce la santé de la spiruline.
Il faut mentionner l'apport non
négligeable en CO2 de l'urée, qui
est même la source de CO2 la moins chère. Voir au § 6, N.B. c (NOURRITURE.htm -
uréethéo)
les précautions d'emploi indispensables.
Rappelons qu'en cas de nourriture de la
spiruline par l'urine, celle-ci
apporte du carbone supplémentaire équivalent à 2 g de spiruline/jour/m².
Les boues de fond de bassin elles-mêmes
sont petit à petit oxydées, contribuant ainsi à apporter du CO2.
Enfin mentionnons qu'il est
parfaitement possible de panacher les différentes sources de carbone.
D'une manière générale il est
recommandé de ne pas chercher à maintenir des productivités records, parce
qu'elles augmentent la vitesse de salissure du milieu de culture et,
semble-t-il, la fréquence des mutations ; à faible productivité le milieu a
plus de possibilité de s'autopurifier. De toutes façons, les aléas du temps et
la faiblesse de l’agitation font que la productivité moyenne ne dépasse
généralement pas 7 g/jour/m² sur une saison de production.
La spiruline sécrète un
exopolysaccharide sulfaté (une espèce d'alginate), qui forme comme une capsule
à la surface externe des spirulines puis est peu à peu relâché dans le milieu
de culture où il se dissout d’abord en le rendant plus « épais » et
finit par former des peaux ou des grumeaux jaune-bruns de taille variable,
microscopiques (visibles au microscope après coloration du milieu à l'encre de
Chine, l'EPS ne se colorant pas) ou visibles à l'oeil nu. Il est probable que
le fait de ne pas récolter beaucoup, en laissant monter la concentration en
spiruline, augmente le passage d’EPS dans le milieu. Les grumeaux ou peaux
d'EPS sont plus denses que le milieu de culture et peuvent se déposer au fond
du bassin sous forme de boues, puis finalement s'en détacher en se chargeant de
bulles de gaz de fermentation et flotter ; le tamis de récolte arrête les amas
suffisamment gros. La production normale d'EPS à bas pH et sous forte lumière
est de l'ordre de 30 % de celle de la spiruline, mais il semble se former
encore de l'EPS à des pH très élevés ; s'il y a carence d'azote, la
photosynthèse produit exclusivement de l'EPS (Cornet J.F., 1992). Même en
présence de nitrates, la carence en ammonium parait favoriser la formation
d'EPS, surtout si les conditions de luminosité et de température sont
insuffisantes pour la réduction des nitrates. En présence d'ammonium la
protéinogénèse est ralentie par une température insuffisante, mais moins
qu'avec nitrates seuls. La carence en fer semble aussi gêner la protéinogénèse
et donc favoriser l'EPS. D'après le rapport Melissa 2004, page 199, une
concentration en azote ammoniacal supérieure à 65 ppm avec un éclairement
supérieur à 33 W/m² (niveau très faible !) favorise la formation d'EPS et la formation
de grumeaux ; de fait chez Cédric Lelièvre en juillet 2005 des grumeaux se formaient dans une culture à 2,5 g de KNO3 +
80 mg d'ammonium, bien ensoleillée. Pour lutter contre l'excès d'EPS et les
grumeaux il faut de l'ammonium, mais pas trop : une dose de 3 à 15 ppm est
convenable. L'idéal serait d'alimenter en urée (ou ammoniaque) au
goutte-à-goutte.
Il est évident qu'une production forte
d'EPS est gênante, non seulement parce que c'est une perte de rendement, mais
parce qu'elle salit le milieu de culture et conduit à des difficultés de
récolte.
L'EPS est biodégradable plus ou moins
rapidement selon les circonstances, ce qui limite la quantité qui se retrouve
dans la spiruline récoltée. Une spiruline à 60% de protéines contiendrait 30%
d'EPS (Rapport Melissa 1996, page 90).
La présence d'une certaine
quantité d'EPS parait faciliter la récolte. Avec une souche spiralée, l'excès
d'EPS entraîne parfois la floculation de spirulines avec formation de peaux ou
grumeaux verts flottants. Ces derniers, lors de la récolte sont facilement
retenus par le tamis sur lequel ils se rassemblent en agglomérats faisant
immédiatement "la boule": s'il n'y a pas simultanément de boues
flottantes, on peut les joindre à la biomasse récoltée en les tamisant à l'aide
de l'extrudeuse en remplaçant sa filière par un tamis ; la qualité de la
spiruline ainsi récoltée est un peu moins bonne que la normale (une analyse
faite en juin 1999 sur le produit séché a donné 52 % de protéines et un peu
trop de microorganismes aérobies). On pourrait craindre que la formation de
grumeaux augmente le % de droites : l'expérience, lors d'une énorme production
de grumeaux (octobre 1999) nous a montré que non. L'augmentation du pH et de la
température, l'ajout de fer (s'il y a carence) et surtout l'ajout d'urée
combattent efficacement ces peaux et grumeaux ; suivre la règle : "forcer
l'urée s'il y a des grumeaux verts ou des peaux flottantes, baisser l'urée s'il
y a odeur d'ammoniac". Une brusque dilution et/ou une brusque diminution
du pH peuvent aussi provoquer la floculation des spirulines spiralées en
grumeaux verts flottants.
Un excès d'EPS semble conduire à une
impossibilité d'essorer la biomasse par pressage, alors qu'un défaut d'EPS
semble conduire à une biomasse très collante mais facilement essorable.
Les peaux d'EPS peuvent être confondues
avec des amas d'algues étrangères comme la microcystis très toxiques, d'où
nécessité de faire des tests de toxicité en cas de doute, bien que nous n'ayons
jamais vu de cas de toxicité avérée.
Des publications semblent montrer que
les polysaccharides (endo et/ou exo) de la spiruline ont des propriétés
thérapeutiques intéressantes : en attente de confirmation.
On doit ajouter une chose : à la
surface d'une culture peu agitée peut se former une pellicule flottante très
fine, agglomérable en grumeaux blancs par agitation superficielle. On suppose
qu'il s'agit d'une variante d'EPS ou d'un autre type d'excrétion des spirulines
qui dans les conditions normales se retrouve mélangé aux EPS.
En cas de faible
croissance alors que tout est bien par ailleurs, il est bon de vérifier la
teneur en phosphate du filtrat et, si elle est faible, de rajouter du phosphate
; et si on n'a pas de test phosphate on peut tenter de rajouter du phosphate
pour ranimer la croissance. Ceci s'applique essentiellement si l'eau utilisée
est très calcaire, car le phosphate de calcium a tendance à précipiter.
Si une culture vire au brun-jaune kaki
sans que la photosynthèse s'arrête, il y a certainement un manque d'azote.
L'excès de lumière, surtout à froid ou en l'absence d'agitation, ou encore à
trop faible concentration en spiruline, ou le maintien d’un pH > 11,3 sur
une période longue produisent une décoloration, puis la destruction progressive
de la spiruline. Si trop de spirulines ont été cassées, ou détruites, le milieu
de culture devient sale (trouble, moussant jaune, ou un peu visqueux, ou
"blanc" comme du lait dilué, ou au contraire brun, ou malodorant),
fermente (dégagement de bulles même la nuit) et/ou la filtration et/ou le
pressage lors des récoltes deviennent difficiles, voire impossibles. En général
la culture peut guérir d'elle-même en une à trois semaines, de préférence au
"repos" dans des conditions de lumière et de température douces, à
condition qu'elle ne soit pas carencée (en azote et en fer notamment). La
pratique des purges du milieu peut aider à la récupération de la culture ; un
réensemencement est particulièrement efficace. Si le redémarrage ne se fait
pas, le milieu est probablement devenu toxique pour les spirulines : vidanger.
Une vidange totale de temps en temps est un moyen puissant, mais coûteux, pour
éviter des anomalies de culture.
Si la culture contient beaucoup de
spirulines cassées en petits fragments, cela peut être du à un excès de lumière
(surtout matinale) ou à une agitation trop brutale, ou encore à un manque de
potassium. Des spirulines anormalement longues peuvent être signe d'un manque
de fer, à moins qu'il s'agisse d'une culture en croissance très faible.
Les spirulines de certaines souches
(spiralées par exemple) flottent habituellement fortement à la surface du
milieu de culture, tandis que d'autres (ondulées, droites) restent plus
volontiers dans la masse de la culture (mais flottent quand même normalement).
Si les spirulines tombent au fond du bassin, c'est souvent le signe qu'elles
sont sous-alimentées en azote ou en fer; un changement brusque de pH ou de
salinité peut aussi faire tomber les spirulines au fond, par exemple une grande
pluie qui double le volume d'eau. Une température très basse a le même effet.
Les spirulines au fond du bassin sont en grand danger de mourir et de se
transformer en boues organiques brunes : pour augmenter leurs chances de survie
il faut les remettre en suspension le plus fréquemment possible. De même la partie
supérieure de la couche flottante est en danger de mort par photolyse
(brunissement ou blanchiment) en cas d'ensoleillement trop fort et trop
prolongé sans agitation suffisante.
Les spirulines spiralées ont assez
souvent tendance à s'agglomérer en grumeaux verts lorsque la production d'EPS
est abondante ; ces grumeaux flottent s'ils sont très riches en spirulines,
contrairement aux boues brunes d'EPS. Mais si la proportion de spirulines dans
les grumeaux est faible par rapport à l'EPS (grumeaux de couleur tirant vers le
brun), ils ne flottent plus et peuvent rester entre deux eaux et gêner la
récolte en colmatant rapidement le tamis.
Il peut arriver que la spiruline
elle-même (y compris de type ondulé) flocule en mini-grumeaux verts (comportant
peu d'EPS) sous l'effet de particules minérales très fines comme du carbonate
de calcium en cours de précipitation ou bien d'un excès de certains ions. Une
dilution du milieu peut alors s'avérer bénéfique.
Pour contrer la tendance aux grumeaux
il est prudent aussi d'agiter le bassin 2 ou 3 fois en cours de nuit.
Des boues brunes remontent à la
surface, et flottent passagèrement en période de photosynthèse active, surtout
quand on agite le fond, mais normalement elles retombent au fond avant le
lendemain matin. On peut les éliminer par tamisage (épuisette ou filet). La
flottation nocturne de ces boues est due à la fermentation anaérobie d'une
couche de boues trop épaisse et manquant d'oxygène (hypoxie, anoxie), situation qui demande plusieurs jours
pour se guérir (agiter plus fréquemment les boues, et/ou en enlever la
majorité). Le remède recommandé est de transférer le bassin dans un autre et de
le nettoyer. Les boues sont un mélange de minéraux insolubles (carbonates et/ou
phosphates), de produits de décomposition de spirulines mortes (contenant de la
chlorophylle A et surtout des caroténoïdes qui donnent aux boues une couleur
brune caractéristique), d'EPS et
de microorganismes biodégradeurs ; on y trouve aussi des
filaments apparemment incolores, de diamètre beaucoup
plus petit que les spirulines (évalué à 1,5 microns), mais de longueur du même
ordre. Une observation sous fort grossissement permet de distinguer des
cellules dans ces filaments, qui apparaissent parfois verts ; il pourrait donc
s'agir d'une algue. On n'a jamais détecté de toxicité sur des échantillons
contenant ces filaments avec le test aux artémias. L'apparition de ces
filaments "incolores" se fait très vite dans les agglomérats
contenant des résidus de spiruline morte, et ceci même en eau douce : si on met
de la spiruline dans de l'eau douce, elle ne survit pas longtemps et se
décompose en boues brunes constituées de "pelotes" de filaments
incolores très serrés.
La couleur des boues des bassins tire
parfois sur le rose, mais elle est en général brune, couleur carotène.
On trouve aussi fréquemment dans les
boues des cristaux en aiguille, souvent rassemblés en faisceaux: il s'agit de
phosphate mixte d'ammonium et de magnésium, soluble en milieu acide ; il arrive
que ces cristaux soient entraînés dans la couche flottante de spiruline et
récoltés avec elle, mais ils se redissoudront sous l’effet de l’acidité
stomacale. Pour empêcher la formation de ces cristaux, il faut éviter des doses
trop fortes de phosphate, magnésium et/ou ammonium.
Une mauvaise odeur correspond
généralement à un mauvais état ou à une récolte insuffisante, ou à une
fermentation anaérobie ou encore à une addition excessive d'urée, de sucre ou
d'urine. Une odeur modérée d'ammoniac, correspondant à 20-30 ppm d'ammoniac
dans le milieu, n'est pas grave mais alerte sur un danger imminent possible.
L'usage de sucre comme apport de carbone provoque parfois des odeurs de
ferments ou de levures pas réellement désagréables. Une culture de spiruline en
bonne santé et à température idéale dégage souvent une odeur aromatique
caractéristique et agréable, tirant sur le géranium ou la rose.
7.11) Contamination
par petits animaux
Sauf protection complète du bassin, il
est inévitable que des insectes ou parfois de petits animaux (serpents,
lézards, grenouilles, souris, escargots), des feuilles et autres débris
végétaux tombent dans le bassin. On peut les enlever avec un filet, mais si on
les laisse, ce qui n'est pas recommandé, ils finiront par être
"digérés" par le milieu de culture et servir de nourriture à la
spiruline.
Par contre certains vers et insectes
sont capables de vivre dans le milieu de culture en parasites. C'est le cas des
larves de la mouche Ephydra (petite mouche brune qui marche sur l'eau), des
larves de moustiques, du zooplancton (rotifères, spécialement brachyonus,
cyanophages et amibes capables de manger les spirulines), qui s'installent et
vivent un certain temps dans le bassin: pour hâter leur disparition on peut
monter momentanément le pH jusqu'à pH 12 puis maintenir ce pH pendant une nuit,
en ré-acidifiant le matin à pH 10 ; mais ce choc de pH peut tuer aussi une
partie des spirulines qui doivent ensuite être mises en convalescence
(ombrées). Ce choc de pH n’est guère efficace sur les amibes. Parfois il suffit
d'une brusque augmentation de la salinité de 3 g/l pour faire disparaître les
envahisseurs (spécialement les larves). On peut aussi monter la température à
40°C (avec pointes à 44°C). L'addition d’une forte dose d'ammoniac, par exemple
100 ppm, tue les amibes mais aussi une partie des spirulines.
La disparition des amibes se fait
généralement de manière naturelle en quelques jours de beau temps par bonne
température et croissance rapide de la spiruline ; le maintien d'une
concentration en spiruline pas trop élevée et d'une bonne agitation favorise la
disparition des amibes. En fait les amibes ne semblent cohabiter avec les
spirulines que lorsque ces dernières sont affaiblies ou en croissance nulle.
Par exemple dans un échantillon d'une culture en bon état, on peut voir
apparaître des amibes au bout de 24 heures de stockage en laboratoire.
De même les rotifères ne peuvent pas
envahir une culture en bonne santé.
En cas d'infestation par des larves,
des cyanophages ou des rotifères, la récolte reste possible car ils sont
arrêtés par le tamis (ajuster au besoin la maille du tamis: pour les brachyonus
il faut une maille de 120 µ) ; on peut essayer d'éliminer au maximum les larves
et nymphes au tamis, ou de placer le bassin sous serre étanche ou moustiquaire.
Parfois L'infestation par des larves dépend du lieu, du climat. Elle peut
n'être que transitoire. Certaines années, elle ne se produit pas. Sous serre,
le risque d'infestation est réduit ou annulé. Nous n'avons jamais eu de
rotifères à Mialet, mais nos collègues indiens en ont eu assez souvent. A noter
que les rotifères ne sont pas toxiques et ne mangent pas la spiruline spiralée
en bonne santé, mais par contre se développent rapidement en cas de mauvaise
santé de la spiruline et finissent par envahir la culture en lui donnant une
coloration rougeâtre. Les rotifères sont très souvent présents dans les
cultures à ciel ouvert, en petit nombre, et contribuent à éliminer les
chlorelles et aussi les spirulines droites.
Ripley
Fox explique que les amibes éventuellement présentes dans une culture ont une
probabilité quasi nulle d'être toxiques. Par précaution, cependant, il est
recommandé de ne pas consommer fraîche la biomasse provenant d'une culture
contenant des amibes. Lors du séchage à 65°C elles sont tuées de toutes façons.
N.B.: 1) les moustiques mâles issus des
bassins de spirulines seraient stérilisés par le haut pH de la culture (selon
une étude indienne) et les bassins constitueraient alors un moyen de lutte
biologique contre les moustiques ; cette information est cependant mise en
doute par le fait que des moustiques proliféraient dans le lac Nakuru avant
l'introduction de tilapias justement pour les combattre, alors que ce lac était
plein de spirulines mais cohabitant sans doute avec d'autres algues…
2) le zooplancton et les larves que
nous avons vu cohabiter avec la spiruline n'étaient pas toxiques pour l'homme.
3) les larves de moustique et les
rotifères mangent les spirulines droites, mais pas les spiralées type Lonar.
7.12)
Contaminations par des droites ou des algues étrangères
Des "spirulines droites"
apparaissent fréquemment dans les cultures. Elles ressemblent aux
cyanobactéries Oscillatoria, dont il existe des variétés toxiques (cf alinéa B
suivant), mais nous avons vérifié que les "droites" que nous avons
eues jusqu'ici sont bien des spirulines (Arthrospira platensis),
d'ailleurs de composition normale, non seulement en utilisant des critères
dimensionnels et morphologiques, nuance de couleur, etc., et en vérifiant leur
teneur en acide gamma-linolénique (très nettement supérieure à celle des
Oscillatoria), mais d'après une étude des "empreintes génétiques" par
l'Université de Genève BIBLIOGRAPHIE.htm
- Manen (http://ijs.sgmjournals.org/cgi/reprint/52/3/861).
Les spirulines droites flottant moins,
ou moins vite, que les spiralées, on peut essayer de contrer leur prolifération
en ne récoltant pas la couche flottante mais en récoltant la culture homogène
et en gérant la culture pour réduire le taux de croissance des droites. Une
bonne agitation évite la photolyse des spiralées, les plus flottantes donc les
plus exposées au soleil, donc elle permet de réduire la prolifération des
droites. Lorsqu'il y a peu de droites, la couche flottante peut les contenir
toutes et on peut donc la récolter ; mais au-delà d'un certain % de droites, ce
n'est plus le cas. En cas d'infestation avancée, on peut essayer une réduction
de l'agitation et un réensemencement massif en spiralées flottantes. Un petit
programme de simulation mathématique (dénommé DRIMPR.EXE, cf CALCUL.htm
- notice) permet d'appréhender l'influence de divers facteurs sur
l'apparition (en général brusque) des droites dans une culture jusque là
majoritairement spiralée.
Les spiralées ayant une tendance
marquée à s'agglomérer en grumeaux dans certaines conditions (bas pH, basse
température, absence d'ammonium), on pouvait craindre que la formation de
grumeaux augmente le % de droites : l'expérience nous a montré, lors d'une
énorme production de grumeaux en octobre 1999, que ce n'était pas le cas.
Les droites sont
génétiquement de vraies spirulines mais elles ont des inconvénients dont,
souvent, une difficulté notoire à se récolter. Le problème n'est pas
d'aujourd'hui puisqu'il y a près de 40 ans Busson bataillait déjà avec lui :
Les "Petites Nouvelles de la Spiruline" de novembre 2002
disaient :
·
Un mèl de Jean-Denis N’Gobo, de
Bangui, du 4/11/02 donne une très bonne nouvelle : « ça y est, nous n'avons plus que des spiralées dans nos 3
bassins »
·
Un téléphone de Pierre Ancel le
8/11/02 nous annonce qu’à Koudougou (Burkina Faso) les spirulines de souche
spiralées type Lonar sont aussi 100 % spiralées maintenant.
·
On sait qu’à Maduraï (Inde) les
droites ont disparu depuis 2001 et à Mialet depuis 2000.
Mais il y a encore des sites souffrant des droites,
et on cherche toujours les remèdes qui permettront le contrôle des droites à
coup sûr…"
Toutes les droites ne sont pas gênantes : il y a les
"longues" qui ne gênent pas la récolte et il y a les
"endémiques", non virulentes, qui cohabitent avec les Paracas sans
les envahir. Celles que nous redoutons par dessus tout sont les courtes
virulentes, c'est-à-dire dont la vitesse de croissance est nettement supérieure
à celle des spiralées. Le petit logiciel DRIMPR.exe permet de simuler la façon dont
ces droites peuvent brusquement "exploser" en quelques semaines ;
dans l'exemple ci-dessous on part d'une culture contenant 1 droite pour 10.000
spiralées au temps zéro [pour vous amuser
à exécuter d'autres exemples, enregistrez dans un même dossier (quelconque) DRIMPR.exe et BSI.exe, allez
dans ce dossier et exécutez DRIMPR.exe :
PROGRAMME DRIMPR.exe
Données :
1) Profondeur de bassin,
cm = 10
2) % initial de droites
= .01 (1/10.000)
3) Débit d'injection de
spiralées, g/m²/jour = 0
4) % de droites dans
l'injection de spiralées = 0
5) (% de droites dans
récolte)/(% dans culture),fraction = 1
6) Taux de mutation des
spiralées, fraction/jour = 0
7) Taux de respiralation
des droites, fraction/jour = 0
8) Concentration, g/l =
.3
9) Productivité des
spiralées, g/j/m² = 8
10) Productivité des
droites, g/j/m² = 10
RESULTATS :
La seule vraie parade connue est une prophylaxie rigoureuse:
vider et stériliser le bassin infesté et redémarrer avec une souche garantie
sans droite comme celles provenant de l'Institut Pasteur ou de chez Jacques
Falquet à Genève.
Mais pourquoi dans la nature ne trouve-t-on pas de droites ?
Une explication possible : les droites ne flottant pas, ou moins, elles tombent
au fond du lac et meurent par manque d'oxygène et de lumière. Autre explication
possible : les larves d'insectes ou les rotifères mangent préférentiellement
les droites ; c'est l'explication avancée pour expliquer la disparition de
leurs droites par les gens de Maduraï en Inde, et qui pourrait être applicable
au cas de Koudougou où les larves se sont implantées au cours de l'année 2002,
en même temps que disparaissaient les droites (et depuis les larves n'ont
jamais disparues tandis que les droites n'ont pas ré-envahi les bassins). A
Pahou (Bénin) aussi on a constaté une disparition des droites en même temps
qu'une prolifération de larves. Si cette dernière explication est vraie, ce
serait un argument pour ne pas mettre les bassins sous serre, puisque sous
serre il n'y a pas, ou moins, de larves. Par ailleurs les serres ne favorisent
pas les droites puisque de nombreux bassins sous serre fonctionnent d'année en
année sans être envahis par les droites
(même s'il y a, bien sûr, des bassins sous serre pleins de droites). Une
agitation trop faible expose plus les spiralées, à cause de leur flottation
forte, à la photolyse donc favorise indirectement les droites : dit autrement,
les droites se contentent d'une plus faible agitation que les spiralées ; mais
une agitation très efficace n'empêchera pas les droites virulentes de dominer,
si elles sont présentes dans la culture.
Concernant les éventuels "avantages" des droites :
c'est vrai que certaines ont le potentiel de pousser plus vite que les
spiralées, mais cela ne se traduit pas forcément par une productivité accrue :
la productivité est logiquement la même lorsque le carbone est le facteur
limitant dans l'alimentation (apport de carbone par l'air atmosphérique
seulement). Par contre des droites virulentes, c'est-à-dire capables comme dans
l'exemple ci-dessus d'envahir complètement une culture, permettent une
production plus importante, voire très importante, si on les alimente en
carbone artificiel (CO2, bicarbonate) … à condition de pouvoir les filtrer et
les essorer.
Ceci est l'occasion de rappeler la mésaventure que nous
avons vécue à la Société Imade (Motril, Espagne), qui avait laborieusement
sélectionné une souche de spiruline (droite courte) particulièrement virulente,
laquelle avait reçu le nom de M1 et une large publicité dans la presse locale ;
elle poussait si vite que les larves, pourtant extrêmement abondantes, ne
pouvaient les consommer toutes, de sorte que la concentration en spiruline
était fort élevée. Cette souche s'est avérée inrécoltable et inessorable, et a
du être abandonnée…. Ceux d'entre nous qui ont connu cette triste affaire
espèrent que la disparition de la M1 a été totale et sont restés marqués par la
phobie des droites. Auraient-ils tort ? Il ne faut pas être sectaire : qui sait
si une technologie un peu "high tech" ne permettra pas un jour de
récolter et d'essorer correctement des "M1" ? La récolteuse mécanique
à tambour rotatif de Robert Nogier (Saint Paulet de Caisson, Gard) est un pas
dans la bonne direction, quoiqu'encore insuffisant. Préserver des conditions faciles de récolte avec les petits
moyens artisanaux habituels nous paraît préférable. D'autre part la biomasse de
droites étant trop difficile ou impossible à essorer par pressage doit être
lavée et égoutté avant séchage, et ce séchage ne peut guère être fait que par
la méthode "indienne" décrite au chapitre séchage (étalement en
couche mince sur film plastique).
Dans cette vieille affaire des droites, il faut rester très
humbles et reconnaître notre grande ignorance.
Tant que la spiruline est en croissance
active, tant qu'elle est bien nourrie, récoltée, agitée et à pH > 9,5, d'un
beau vert foncé et que le milieu est régulièrement purgé, aucune espèce d'algue
concurrente ne réussit habituellement à envahir le bassin, du moins nous n'en
avons jamais vu. L'apparition d'algues étrangères peut toutefois se produire,
par exemple l'hiver en zône tempérée, et ne pas se voir. C'est pourquoi il est
prudent de faire examiner (une ou deux fois par an par exemple) un échantillon
de culture dans un laboratoire équipé d'un bon microscope et entraîné à
reconnaître ce qui n'est pas de la spiruline: il peut s'agir de simples
chlorelles (algues vertes monocellulaires comestibles) ou d'Oocystis (grosses
chlorelles), mais aussi de cyanobactéries toxiques comme Oscillatoria agardhii
(ressemble à une spiruline droite mais de longueur de cellules double,
Oscillatoria rubescens ou Oscillatoria nigri-viridis (ressemblent à des
spirulines droites mais de diamètre et longueur de cellules nettement plus
grands et de couleur différente), Anabaena flos-aquae (ressemble à une
spiruline droite mais avec des indentations au niveau des parois entre
cellules), Anabaenopsis arnoldii (ressemble à une spiruline spiralée mais avec
des hétérocystes, renflements lui permettant de fixer l'azote) ou Microcystis
aeruginosa (cf Annexe A22 A.htm - A22 pour comparer
les spirulines à ces algues). Oscillatoria grunowiana articulata tenius, non toxique
et trop petit pour rester dans la biomasse pressée se voit au microscope,
éventuellement après avoir teinté l'échantillon à l'encre de Chine. Si l'algue
contaminante est eucaryotique (cellules à noyau bien distinct), il s'agit d'une
algue verte ou brune, lesquelles ne sont très généralement pas toxiques. Un œil
exercé peut distinguer facilement les principales Oscillatoria toxiques des
spirulines droites.
Un test biologique de toxicité, simple,
a été proposé par R. Fox si de jeunes
larves d'artémias ne meurent après plus de 6 heures au contact d'une culture de
cyanobactérie, celle-ci ne serait pas toxique. Pour avoir des larves d'artémias
il suffit de tremper deux jours leurs œufs (qui en termes scientifiques
s'appellent des cystes, et qui se vendent dans les magasins d'aquariophilie et
se conservent au réfrigérateur) dans l'eau salée à 30 g/l à température
ordinaire et sous faible lumière. On met de l'ordre de 10 % de culture de
spiruline à tester dans la culture de larves d'artémias, dans un récipient
transparent mince par exemple un "mini-aquarium" fabriqué avec deux
lames de microscopes. Il est recommandé de casser la membrane des micro-algues
à tester car les toxines éventuelles sont surtout à l'intérieur (R.Fox a
vérifié que les toxines d'une Oscillatoria toxique sortaient suffisamment même
sans casser la membrane, mais pour plus de sécurité il vaut mieux la casser).
Pour casser les membranes le moyen normal est la sonication aux ultra-sons,
mais sinon on peut faire bouillir un court instant une suspension de la
micro-algue.
D'autres tests biologiques du même
type, encore plus simples et plus précis sont en cours de développement, et,
nous l'espérons, seront mis sur le marché.
En cas
d'infestation par l'algue verte non toxique chlorelle (par exemple suite à
utilisation d'eau brute non filtrée, et/ou à des récoltes trop fortes), on peut
essayer de jouer sur le fait que ces algues décantent au fond où, privées de
lumière, elles mourront : mais cette méthode reste délicate d'application car
l'agitation générale du bassin doit être stoppée et remplacée par une agitation
très modérée, en surface, mais suffisante pour que les spirulines elles-mêmes
ne meurent pas par asphyxie ou photoxydation (l'ombrage est pratiquement
nécessaire), et souvent les chlorelles ont tendance à se remettre en suspension
à la moindre agitation, rendant cette méthode inapplicable. Par contre on peut
plus facilement jouer sur le fait que la chlorelle étant très petite passe à
travers le filtre : il est donc possible de récupérer la spiruline en la
récoltant et en lavant la biomasse avec une solution isotonique (par exemple du
milieu neuf), puis de réensemencer un nouveau bassin ; cette méthode s'est
avérée convenable si elle est pratiquée avec soin. L'élimination des chlorelles
du filtrat peut se faire par plusieurs moyens: refiltration à travers un filtre
plus fin (filtre à sable par exemple), stérilisation par les U.V., par la
chaleur ou chimique.
Des traitements répétés à 17 ppm
d'ammoniac empêcheraient la prolifération des chlorelles dans une culture de
spiruline d'après Vonshak (BIBLIOGRAPHIE.htm - Vonshak,
page 91) ; la même référence indique d'autres moyens pour prévenir, dans la
plupart des cas, la contamination par les chlorelles : travailler à une
alcalinité élevée (0,2), avec un milieu limpide et une haute température. Mais
toutes ces mesures n'ont eu aucun effet chez Cédric Lelièvre en 2005.
La présence de naviculas, diatomées
(algues monocellulaires contenant de la silice) brunes en forme de navette, est
assez fréquente dans les cultures de spiruline contenant suffisamment d’ions
silicate : l’addition de 50 à 100 ppm de chlorure de calcium la combat
efficacement en réduisant la concentration en silicate soluble, car le silicate
de calcium est insoluble.
Il parait prudent de faire une vidange
totale ou une stérilisation des bassins de temps en temps (par exemple tous les
2 ans), et de redémarrer la culture à partir d’une souche de qualité garantie
(monoclonale) pour éviter les risques d’une éventuelle « dérive »
génétique de la souche cultivée. Cependant cette recommandation reste un peu
théorique, et probablement inutile : la grande similitude génétique des
Arthrospira laisse penser que l’on peut se fier à de simple critères « techniques »
(filtrabilité, résistance, aspect, etc) pour estimer s’il y a lieu de
renouveler la souche [avis transmis par Jacques Falquet, Antenna Technologies
le 25/02/2003].
7.13) Contamination
par micro-organismes
Dans
le milieu de culture, au pH élevé (> 9,5) où l'on travaille, la majorité des
microbes dangereux pour l'homme sont normalement inactivés en deux jours. Attention aux
cultures à pH < 9,5 (cultures jeunes à base de bicarbonate, ou trop forte
injection de CO2), qui risquent de ne pas bénéficier de cet effet protecteur.
Par ailleurs il a été signalé le risque que certains microbes pathogènes
introduits dans des cultures de spiruline (sans doute par suite d'une mauvaise
observation des règles d'hygiène) deviennent résistants aux pH élevés, ce risque
pouvant être augmenté si le sucre est utilisé comme apport de carbone ; mais il
n'a jamais été confirmé. Il a été signalé aussi l'existence de microbes ou
parasites africains risquant d'être résistants aux pH élevés : là non plus
aucun cas réel n'a été observé si l'on suit des règles normales d'hygiène.
Les cultures contiennent par ailleurs
des microbes biodégradeurs adaptés au milieu de culture et qui jouent un rôle
bénéfique, à côté du zooplancton, en purifiant le milieu et en recyclant des
nutriments, tout en aidant à éliminer l'oxygène et en fournissant du gaz
carbonique.
Des germes de moisissures sont toujours
présents dans les cultures car des moisissures apparaissent régulièrement sur
le flottant laissé longtemps sans agitation (comme à la surface des confitures
artisanales), et l'analyse bactériologique décèle couramment de 5 à 500
colonies/g, sans qu'aucune norme n'ait été imposée dans la plupart des pays.
L'usage du sucre comme apport de
carbone, ainsi que le fait de ne pas récolter pendant longtemps, provoquent une
augmentation dans la culture du nombre de microorganismes
filamenteux apparemment incolores, qui gênent la
filtration mais ne se retrouvent pratiquement pas dans le produit fini (N.B.
ces filaments apparemment
incolores semblent provenir des boues où ils sont
présents en grand nombre).
Une analyse bactériologique de
vérification devrait être faite sur le produit fini de temps en temps (une ou
deux fois par an ?). En raison des risques de contamination après récolte, une
pasteurisation du produit fini peut être nécessaire mais elle doit être évitée
si possible.
Attention : dans certains pays, l'eau
servant aux nettoyages, rinçages, etc. pouvant être contaminée, cela peut être
une source de contamination pour le produit récolté. Dans ce cas il est suggéré
l'emploi systématique d'eau de Javel pour tous
les nettoyages, avec rinçage final à l'eau chlorée (minimum 1 ppm
de chlore actif libre : voir § suivant ; soit environ 1 goutte d'eau de Javel
(vendue au litre, 2,8% de chlore actif) dans un litre d'eau de rinçage).
Les détergents et les sucres ne sont
pas toxiques à la dose de 100 ppm.
Un gros excès d'urée ou d'ammoniac
provoque la mort des spirulines, le milieu de culture devenant
"laiteux", avec mousse jaune ou verdâtre et des boues abondantes ;
mais en général il y a assez de spirulines survivantes (sinon on peut
réensemencer) pour régénérer spontanément la culture en une dizaine de jours si
l'on prend la précaution d'ombrer.
Dans une série d'expériences on a
trouvé qu'une dose de 8 ppm de chlore actif apporté par l'eau de Javel
(hypochlorite de sodium) tue les spirulines dans leur milieu de culture à pH
< 9, mais qu'elles résistent à 4 ppm; à pH 10,6 elles ont résisté à une dose
de 12 ppm (mais l'effet du chlore varie suivant la demande en chlore du
milieu). Les doses algicides
généralement recommandées pour une eau à pH neutre sont entre 0,5 et 1
mg de chlore actif par litre.
N.B. : l'eau
de Javel commerciale concentrée en berlingots titre 11 % de chlore actif, l'eau
de Javel ordinaire vendue au litre titre 2,8 %. Il faut savoir que le pouvoir
algicide de l'hypochlorite est beaucoup plus fort à bas pH qu'à pH élevé. Le
thiosulfate (Na2S2O3, p.m. = 158) peut être utilisé pour neutraliser le chlore
actif : il faut théoriquement 4,5 g de thiosulfate par g de chlore actif, selon
la réaction :
2 Na2S2O3 + Cl2 =
2 NaCl + Na2S4O6 (dithionate)
Le thiosulfate
est souvent vendu sous forme de pentahydrate (p.m. = 248), dans ce cas il en
faut 7 g/g.
Il est
recommandé d'utiliser un excès de thiosulfate, par précaution.
7.15) Manque d'oxygène (hypoxie)
Si l'oxygène peut être considéré comme
un poison pour la spiruline quand il est en forte sursaturation pendant la
photosynthèse active, ce n'est pas le cas en l'absence de lumière puisque la
spiruline a alors besoin d'oxygène pour respirer, comme les autres
microorganismes aérobies présents. La teneur en oxygène du milieu de culture en
équilibre avec l'air atmosphérique est donnée par la formule approchée
suivante: mg/l ou ppm d'oxygène = 0,616 x (pression atmosphérique en mmHg) x (1
- 0,0009 x altitude en m.)/(31,64 + T°C) - 0,035 x (salinité en g/l), soit par
exemple 8 ppm à 25°C.
Au pic de la période de photosynthèse
active la teneur en oxygène du milieu de culture peut largement dépasser la
saturation et monter à plus de 30 ppm. Mais la respiration de la spiruline
consomme 1,2 g d'oxygène par g de spiruline "brûlée" soit facilement
3 g d'oxygène/m²/nuit, et de l'oxygène est aussi consommé par les autres
microorganismes, surtout si le milieu contient du sucre et d'autres produits
biodégradables; de la sorte le taux d'oxygène dans le milieu chute rapidement
après l'arrêt de la photosynthèse, surtout si la concentration en spiruline est
élevée. Comme l'a montré Falquet on atteint facilement
l'anoxie en présence de 100 ppm de sucre, même en agitant la nuit. De l'oxygène
de l'air se dissout dans le milieu dès que celui-ci est en dessous de sa
concentration d'équilibre, mais cet effet est négligeable s'il n'y a pas
d'agitation. On évalue l'absorption d'oxygène de l'air, en g/heure/m², par la
formule très approchée tirée de l'expérience piscicole = 0,3 x (puissance
d'agitation, W/m²) x (concentration en oxygène à l'équilibre - concentration
actuelle, en ppm), soit par exemple pour un bassin agité en continu avec 1 W/m²
et contenant 200 l/m² à 5 ppm d'oxygène : 11 g d'oxygène/m²/nuit. Il n'est donc
pas étonnant que le fond d'un bassin non agité pendant la nuit manque d'oxygène
et que les boues subissent une fermentation anaérobie avec formation de bulles
de gaz insoluble (méthane) entraînant des remontées de boues vers la surface.
Pour combattre cette situation, on peut agiter le dépôt de boues au balai et
maintenir l'agitation de la culture la nuit, mais le plus efficace est
d'enlever régulièrement l'excès de boues du fond du bassin. On enlève ces boues
soit en transférant la culture dans un autre bassin, soit en aspirant le fond
par pompe ou siphon. Le mélange de boues et de milieu de culture éliminé peut
être recueilli dans une bassine pour décanter les boues et recycler la majorité
du milieu de culture.
Les spirulines ne semblent pas souffrir
en cas d'anoxie pendant quelques heures par nuit. Amos Richmond a montré que la
respiration était très faible dans les cultures très concentrées, donc dans les
couches flottantes.
Il arrive, très rarement, que des
spirulines présentent des déformations, ou une boursouflure, ou alors des
excrétions jaunes à une extrêmité ou sur un côté des filaments, faisant penser
à un éclatement de la paroi avec épanchement du contenu des cellules
(spirulines dites "étripées"). Dans la pratique, ces anomalies
disparaissent d'elles-mêmes au bout de quelques jours de marche dans des
conditions normales.
Photos de spirulines
"étripées" vues au microscope, Ecole d'agriculture Don Bosco à
Linares (Chili), 1998 :
La spiruline absorbe très facilement
les métaux lourds présents dans le milieu de culture. Certains sont toxiques
pour l'homme (mercure, plomb, cadmium). On trouvera en Annexe A17 A.htm - normes les de
teneurs maximum en métaux lourds autorisées en France dans la spiruline.
Il est bon de nettoyer les bassins
environ tous les 3 mois, ou quand les boues du fond sont suffisamment épaisses
pour donner des boues flottantes.
La meilleure méthode de nettoyage est
de transférer provisoirement la majeure partie du contenu du bassin dans un
bassin voisin, puis de vidanger les boues, et brosser les bords et le fond, en
rinçant. Attention aux recoins (plis du film plastique dans les angles). Il y a
souvent un dépôt blanc incrusté sur le film : il s'agit d’un dépôt minéral,
qu'on peut enlever par badigeon d'acide chlorhydrique dilué, qui a l'avantage
de stériliser en même temps (on y a recours surtout lors des changements de
souche).
7.19)
Epuration du milieu de culture
Au bout de 2 à 4 mois de culture (selon le niveau de productivité), sans purge, le milieu de culture, neuf et parfaitement clair au départ, devient plus ou moins trouble, la vitesse de filtration baisse et le pressage de la biomasse devient difficile. La pratique des purges régulières ou le remplacement total du milieu règle ce problème mais cela peut gêner l’environnement, et coûter trop cher en produits.
L’expérience a montré qu’un milieu
« usé » peut être partiellement régénéré par simple décantation dans
un bassin profond non agité, pendant un temps variable selon le degré
d’épuration désiré. Il est probable qu’une partie des EPS se biodégrade pendant
cette opération, mais une partie se dépose au fond, sous forme d’un dépôt plus
ou moins coloré qui peut être envoyé au compost.
Il est facile d’obtenir ainsi une
turbidité très faible (Secchi noir de plus de 30 cm), par contre il reste des
produits organiques dissous (le test de filtration sur 400 g est tout de même
bon = 330 g filtrés en une minute par exemple).
Avant de réutiliser le milieu épuré il
est bon de l’aérer pour supprimer les bactéries anaérobies.
Si le milieu envoyé au bassin
d’épuration contient des spirulines, cela n’a pas d’importance : on pourra
récupérer la couche flottante. Cela peut même être un moyen complémentaire pour
réduire le pourcentage de spirulines droites ou de chlorelles.
Mais il y a mieux que la simple
décantation : la filtration sur filtre à sable (par exemple de piscine ou
d'irrigation au goutte-à-goutte).
Et il y a encore mieux : le milieu
décanté ou filtré sur sable peut être soumis à une oxydation biologique par
bullage d'air (aucun ensemencement en bactéries spéciales n'est nécessaire, les
bactéries ambiantes naturelles suffisent), suivi d'une nouvelle décantation ou
filtration pour éliminer les résidus de boues actives.
Par ces moyens on arrive à réduire la charge organique (DCO ou
DBO) et la coloration du milieu épuré suffisamment pour que son recyclage
permette de ne jamais avoir besoin de renouveler le milieu de culture, comme
cela se pratique dans la ferme de spiruline de BIORIGIN en Equateur (voir publication
au Colloque des Embiez 2004).
Signalons une possibilité d'épuration
chimique rapide et simple du milieu de culture usé : l'ajout d'eau de Javel
(environ 5 % d'eau de Javel à 2,6 % de chlore actif) stérilise et épure
totalement le milieu en 24 heures, mais nécessite la neutralisation du chlore
actif excédentaire par ajout de thiosulfate de sodium (Na2S2O3, 5 H2O) à raison
de 5 g/litre avant recyclage. Cependant cette méthode n'a pas été validée du
point de vue risque de formation de chloramines ou autres produits
éventuellement cancérigènes et ne peut encore être recommandée. De même
l'oxydation chimique par l'ozone ou l'eau oxygénée ne peut être recommandée
tant qu'on n'aura pas vérifié qu'elle n'induit pas l'apparition de composés
potentiellement dangereux pour le consommateur.
L'épuration par oxydation de la charge
organique réduit le pH du milieu de culture, facilement de 0,2 unité, ou même
plus pour un milieu initialement fortement chargé en DBO.
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