"Mini-colloque"
sur la production de spiruline artisanale
Mialet - 26 au 28 Juin 2002
Hommage
à Ripley Fox. Rappel de comment J.P. Jourdan l’a rencontré lors d’un congrès en
1975 aux Etats Unis.
Le but de ce colloque
n’était pas de parler des applications de la spiruline, mais, devant la
demande, ce sujet a dû être abordé (il faudra prévoir un colloque spécialisé
sur le sujet).
Bernard Weber
Le docteur Weber, , propose une méta-analyse basée sur
4 études cliniques :
§
Etude
de Madurai
§
Etude
de Nantes
§
Etude
de Koudougou
§
Etude
de Ouagadougou
Les conditions de travail sur le terrain sont
généralement difficiles mais n’excluent pas la possibilité d’une analyse
critique viable.
L’étude de Nantes a été effectuée sur 2 villages a
priori comparables, or, dans les faits, les comparaisons ne se sont pas avérées
pertinentes.
L’étude de Ouagadougou est plus intéressante, bien que
certains parents aient refusé que les prélèvements soient effectués sur leurs
enfants. La spiruline s’y est révélée plus active sur les séropositifs que sur
les non séropositifs.
Pour l’étude de Dakar, le dosage était de 10 g / jour.
Des résultats convergents ont été obtenus sur la reprise de poids et sur les
périmètres brachiaux. En revanche, il n’y a pas de correspondances entre les
enfants qui ont repris du poids et ceux dont le taux d’hémoglobine a augmenté.
Dans le cadre de l’étude de Madurai, on administrait
seulement 1 gramme de spiruline par jour. Aujourd’hui, rien ne permet de
déterminer un dosage « idéal » : obtient-on des résultats
similaires sur des dosages d’1 gramme ou de 10 grammes ? personne n’est en
mesure de l’affirmer. De même, on n’a pas d’idée sur le délai à fixer dans les
protocoles.
Denis von der Weid estime que la durée minimale
de traitement doit être de 6 semaines. A l’heure actuelle, la qualité des
études prime sur la quantité. Une étude est exploitable à partir de 11 enfants
traités. Quoi qu’il en soit, une harmonisation des protocoles est
nécessaire : il serait sage, en effet, d’éviter les initiatives
individuelles avant de débuter des essais cliniques.
Yvette Pagnon (CREDESA, Pahou, Bénin)
Les tests programmés à Pahou sont destinées à
démontrer l’action préventive de la spiruline. Prévue depuis juin 2000, cette
étude n’a toujours pas démarré à cause des problèmes de fonctionnement que
subit le CREDESA (ONG semi-publique locale).
La surveillance se basera sur 3 critères : poids,
périmètre brachial et taux d’hémoglobine.
La durée prévue est de 6 mois, afin de pouvoir faire
une étude de la croissance des enfants traités.
Pour remédier au blocage que subit le projet, deux
solutions sont recherchées actuellement : soit trouver un financement
extérieur, soit utiliser le protocole d’étude ailleurs.
Marie-Elisabeth Picard (Bangui, Centre-Afrique)
Au Foyer de Charité de Bangui, un mélange de sardine
et de 5 grammes de spiruline a été administré. Les tests était axés sur les
acides gras poly-insaturés afin de prouver leurs effets sur les enfants
atteints de kwashiorkor. Une disparition rapide des œdèmes et un retour de
l’appétit ont été constatés.
Par ailleurs, un travail sur l’anémie est en cours, en
lien avec l’Institut Pasteur .
Dans les années 80,
Sosa Texcoco produisait 300 tonnes de spiruline par an. La volonté d’expansion
de l’entreprise se trouvait alors en but à une saturation du marché. On a donc
recherché d’autres usages du produit, thérapeutiques et cosmétiques.
La
société Technature, près de Brest, se lance sur le marché de la cosmétique et
propose notamment des masques de beauté à base de spiruline.
Les
recherches menées en Ukraine avec Ripley Fox avait permis de constater une
perte du césium 137 en quelques jours de traitement.
Aucune
reprise d’activité n’est en vue sur le Lac Texcoco qui va bientôt être occupé
par un aéroport.
Par
ailleurs, le Sénateur nous faire part de l’existence d’un brevet qu’il a déposé en 1999, grâce aux recherches
d’un étudiant vietnamien (Universités Michigan – Sorbonne) : ce brevet
propose le procédé de fabrication d’une souche enrichie en sulfo-lipides. Des
tests sont en voie de prouver les bienfaits thérapeutiques de cette spiruline
enrichie sur le VIH et le cancer.
Denis von
der Weid
L’OMS est maintenant dotée d’une direction
« micro-nutriments ». Grâce au Président du comité exécutif
Nutrition, Antenna Technologie a obtenu une invitation officielle à une
présentation de la spiruline au sein de la FAO.
Denis von der Weid recommande que chacun fasse
l’effort de prendre contact avec les antennes locales de ces grands organismes
(FAO, OMS, UNICEF…), condition préalable au lancement de tout projet spiruline.
A retenir (et à employer) : « micro-nutriment »
est le mot-clé commun à tous ces organismes internationaux.
Jean-Paul Jourdan - Les craintes des petits
producteurs africains peuvent être tournées à la fois vers les importateurs de
spiruline à bas prix et vers les investisseurs étrangers venant profiter de
conditions climatiques favorables, d'une main d’œuvre bon marché et d'un
savoir-faire gratuit.
Face à ces deux formes de
concurrence, les « artisans » ne manquent pas d'atouts : absence de
frais de douane, économie des devises du pays, frais de distribution réduits...
Claude Villard - Il n'existe pas réellement
de concurrence entre petits et gros producteurs. Il agissent dans deux domaines
différents. Dans les pays en voie de développement, les besoins en spiruline
sont énormes et il faut développer l'information aux populations locales pour
les familiariser à la production de spiruline.
Jean-Paul Jourdan – Des coopératives d'achats
seraient très utiles en Afrique, notamment pour la fourniture des bâches et
films de serre, engrais, toiles de filtration, oligoéléments, etc. au prix de
gros.
De très nombreuses
photos de bassins ont été montrées, jusqu’à saturation. Elles ne sont pas
reprises dans ce compte-rendu, pour faciliter son édition.
Pierre Ancel
dresse le bilan de 18 mois d'exploitation de la ferme de spiruline financée par
la Fondation Gaz de France (430.000 FF) et co-gérée par Codegaz et le Diocése de
Koudougou. Mise en service en février 2000 avec 175 m² de culture, elle dispose
depuis mai 2001 de 750 m² de bassins : 1 bassin de 25 m², 8 de 50 m² et 1de 350
m². Des problèmes de boues survenus dans ce dernier bassin l'ont rapidement
rendu inexploitable : il a donc fallu diviser cette surface de culture en 2
bassins avec chicanes médianes.
La ferme est
gérée comme une entreprise moderne, avec une nécessité de profit propre à
assurer sa pérennité. Dans cette optique, 2 niveaux de prix de vente ont été adoptés
:
§
un
prix commercial (130 à 170 FF / kg) qui représente 70% de la production,
§
un
prix humanitaire (80 à 130 FF / kg) qui représente 30 % de la production (prix
de revient = 89 FF / kg).
Le personnel,
peu qualifié et majoritairement féminin, est composé de 13 salariés.
La productivité
reste modeste avec 3,2 g / jour / m².
Depuis 2000,
800 doses de traitement mensuel de 150 grammes ont tenté de répondre à une
demande en spiruline de plus en plus importante. La production à vocation
humanitaire est achetée par les centres de renutrition.
L'autonomie
financière était atteinte 5 mois après la mise en route ; reste à acquérir
l'autonomie technique, malgré l'importance des progrès réalisés par le
personnel.
Ce projet est piloté par Antenna Technologie, en
partenariat avec le CNRA (Centre National de Recherche Agronomique) sénégalais
et Education Santé, une association locale.
Son objectif est de cultiver de la spiruline tout en relançant le CNRA
dont l'activité s'essoufflait. L'apport d'Antenna n'a pas été financier mais
technique. 4 bassins en béton de 50 m² couverts d'un film de serre ont été mis
en place (coût au m² : 40 euros). Ils ont été placés sous la responsabilité de
3 techniciens locaux (2 temps complets et 1 mi-temps). L'agitation et la
récolte s'effectuent à l'aide de pompes vide-cave Guinard de 250 Watts.
La productivité est bonne (10 g / jour / m²) grâce à
l'ajout de bicarbonate et de sucre et à la bonne température des bassins (la
serre et les murs en ciments accumulant la chaleur, la température du milieu
est de 30°C le matin).
Davougon (Benin)- Etienne Boileau (Technap)
La spiruline
est produite et distribuée au Centre des Frères Camiliens, doté d'un
dispensaire et d'un centre anti-lèpre. Avant le lancement de la production, de
la spiruline sèche était importée grâce au financement du Comité des Amis
d'Emmaüs des Ulis.
La surface de
culture a progressivement atteint 29 m² : 1 bassin de 4 m² (bâche sur cadre en
bois) installé en 1993 par Etienne Boileau, 2 bassins de 8 m² (en dur) financés
par Codephi en 1995 et 2 supplémentaires de 8 et 5 m² en 1998 financés par un
don de Mr Servant (Cote d’Ivoire). Les coûts de production sont réduits au
minimum : l'agitation est manuelle et toute la production est distribuée
fraîche aux malades. Les traitement sont administrés à de jeunes enfants
malnutris, des personnes opérés d'ulcères de Buruli et des sidéens (la
résistance aux maladies nombreuses qui assaillent ces derniers s'en trouve
nettement renforcée).
Notons qu'un
bassin privé de 4 m² a été récemment mis en place dans son jardin par une
employée du dispensaire dont les enfants étaient en mauvaise santé.
Pahou (Bénin) - Claude Darcas (Technap)
L’UPS (unité de
production de spiruline) a démarré son activité en 1998, en partenariat avec le
CREDESA, organisme local en charge d’un programme d’Education
Nutritionnelle et du GERES, association
membre de TECHNAP et spécialiste du séchage. Elle compte actuellement 6
salariés.
Huit bassins
(structures en bois surmontées de bâches plastiques, au total 250 m²)
produisent en moyenne 410 kg / an. La spiruline est récoltée tous les jours,
sauf le dimanche. La productivité n’est pas optimale car d’importants
contre-temps sont venus la contrarier.
Fin 2000 les
spirulines droites remplissaient l’ensemble des bassins qui sont
rapidement devenus impossibles à récolter. Les bassins ont donc été
progressivement réensemencés avec une souche Paracas.
Début 2002,
toutes les bâches PVC ont dû être remplacées (leur durée de vie n’a pas excédé
3 ans).
3 nouveaux
bassins de 15, 12,5 et 12,5 m² ont été aménagés (bâches disposées cette fois
sur une structure en parpaings posée sur le sol).
La saison des
pluies de juin provoque des pertes, malgré la couverture des bassins par des panneaux,
par débordement à la suite d’inondations.
La commande et
la réception des intrants et des équipements représentent une charge de travail
considérable : les démarches d’importation sont longues et semées
d’embûches, les délais de réception sont parfois très longs.
La situation
administrative du CREDESA apporte des soucis de gestion supplémentaires.
La spiruline se
vend mal, particulièrement dans le secteur humanitaire en raison d’un prix de
revient qui reste trop élevé. Une étude de marché est en cours pour remédier à
ce problème.
Bangui
(Centre-Afrique) – Marie-Elisabeth Picard (Foyer de Charité)
Les premières
cultures de spiruline ont été lancées par Gilles Planchon au dispensaire du
Foyer de Charité, en 1995. Au préalable, le dispensaire avait commencé à soigner les enfants malnutris de la région
grâce à une dotation de 3 tonnes de spiruline émanant de la société mexicaine
Sosa Texcoco.
Actuellement
140 m² de bassins, sous toiture, sont exploités, financés en partie par l’OMS.
L’agitation se fait avec l’énergie photovoltaïque. La source d’alcalinité est
le natron. La productivité moyenne est de 4 g / jour / m². La totalité de la
production est à but humanitaire.
Autres projets à Bangui
§
Le
groupe Kénose, présidé par Jean-Denis Ngobo, est entièrement construit et
géré par des centrafricains (avec une petite aide financière extérieure,
notamment d’Antenna). L'objectif principal est de diffuser la connaissance et
la culture de la spiruline. Actuellement le groupe exploite 100 m² de petits
bassins.
§
La
COPAP, coopérative agro-piscicole de N’dress, exploite 150 m² de bassins de
spiruline avec l’aide de Nutrition-Santé-Bangui, ONG basée à Nantes et
représentée par Martial Perraudeau. But humanitaire (dispensaire et prévention
de la malnutrition).
Bermo (Niger) - Yves Lesenne (La Gazelle de
Puits de Bermo)
Ce projet a été
mis en place au dispensaire de la mission catholique Notre-Dame des Apôtres,
dirigée par Soeur Odile Lesenne, grâce à un financement de l'association
Tibériade. Les premiers bassins (2 x 15 m² en béton) ont été construits par
Yves Lesenne et mis en culture par Marie-Jeanne Batbedat. Quelques difficultés
ont un peu ralenti le démarrage de la production : les bassins se sont
fissurés, peut-être faute d'avoir été immédiatement mis en eau ou à cause de la
qualité du ciment. Ce problème d'étanchéité a été résolu par la pose d'un
enduit glacé.
La spiruline
est exclusivement nourrie grâce à des produits disponibles localement (natron,
NPK importé).
Les bassins
sont agités par des petites pompes solaires fonctionnant « au fil du
soleil » (sans stockage d'énergie). Avant l'installation d'une centrale
solaire au dispensaire, l'agitation s'effectuait manuellement. Cette centrale
photovoltaïque, installée en novembre 2001 par des étudiants en BTS d'un lycée technique d’Angers,
procure au dispensaire suffisamment d'énergie pour alimenter 1 réfrigérateur, 1
congélateur, 1 éclairage le soir dans les bâtiments, une pompe à eau pouvant
fournir 3.000 litres d'eau par jour.
La production
est utilisée dans sa totalité par le dispensaire.
Agharous (Niger)- Issouf Maha (ADDS), Sonia
Salès (Targuinca)
Depuis février
2000, un programme de sensibilisation aux qualités nutritionnelles et
thérapeutiques de la spiruline a été mis en place au Niger : l’association
Targuinca a fourni des stocks de spiruline et organisé leur distribution dans
les hôpitaux de Niamey et d’Agadez, ainsi que dans des dispensaires de brousse
(au Nord du pays). Durant cette période, Targuinca a été orientée vers le
village d’Agharous (80 km au nord-ouest d’Agadez) pour implanter les premiers
bassins. Le projet est réalisé en partenariat avec l’ADDS (Association pour le
développement durable et la solidarité). Son fondateur, Issouf Maha, dirige le
Centre d’Agro-écologie et de développement intégré d’Aghrarous, un centre de
formation et de recherche sur les techniques agricoles adaptés à
l’environnement oasien.
En mars-avril 2002,
2 bassins de 13 m² (banco et bâches plastiques) ont été installés dans le
Centre. La souche Paracas ensemencée a été donnée par Jean-Paul Jourdan.
L’agitation est manuelle et la spiruline est séchée : en effet la
consommation de spiruline fraîche pose problème en zone nomade. Les touaregs
consomment couramment des aliments secs, bien adaptés à leurs conditions de vie.
La spiruline séchée peut être stockée, ce qui est rassurant et évite des
allers-retours trop contraignants. Deux personnes, l’instituteur d’Agharous et
l’adjoint d’Issouf Maha, ont été formés par Pierre Ancel et se sont engagés à
assurer bénévolement le contrôle et la supervision de la culture. Ils ont à
leur tour formé un jeune homme pour assurer les tâches courantes (entretien et
nourriture des bassins, récolte de la spiruline).
En mai, la
productivité était de près de 9 g / jour / m². Les récoltes sont distribuées
gratuitement aux familles d’Agharous.
Ces 2 bassins
pilotes ont une double vocation, expérimentale et pédagogique.
Issouf Maha
souhaite, à l’avenir, que le Centre d’agro-écologie dispose d’une ferme de
spiruline autonome.
Il propose aux
responsables des projets africains de les aider à se fournir en natron à bas
prix produit à Tegguida n’Tessoum, à 100 km d'Agharous.
Par ailleurs,
des essais cliniques et biologiques sont en cours au service pédiatrique de
l’Hôpital de Niamey : 10 grammes de spiruline mélangés à la bouillie de
mil seront administrés à une centaine d’enfants de 0 à 2 ans, souffrant de
malnutrition aggravée. Un autre groupe témoin bénéficiera du protocole de
récupération HLS (huile-lait-sucre) pour des tests comparatifs. Les effets des
traitements sont déjà édifiants et les médecins affirment déjà avoir sauvé
plusieurs enfants dont les cas étaient désespérés.
Morondava
(Madagascar) - Marc Boritch
(Codegaz).
Financés par
Codegaz, Technap et le diocèse de Morondava, 2 bassins de 12 et 3 m² ont été
installés fin 2001. Ces bassins sont surélevés à 70 cm au dessus du sol en
raison des risques d’inondation. La souche utilisée est la Paracas et la
production (initiale) est élevée : 10 g / jour / m².
Le diocèse
exploitera bientôt 400 m² de bassins pour le compte des religieuses qui
assurent les soins quotidiens des populations démunies, financés par Codégaz.
Antenna
Technologie a aidé au financement de la construction de 40 m² de bassins de
spiruline au domicile de Mme Vololonavalona, qui travaille à l’IHSM, et qui
vient de soutenir une thèse de doctorat sur les lacs à spiruline de la région.
Une partie de sa production est destinée au dispensaire des Assomptionnistes de
Belemboka (Tuléar). Les bassins sont en béton, sous toiture et ombrage.
Tchad : Quel
avenir pour le Dihé ? - Olivier Barbaroux (Ifremer)
La récolte de
spiruline dans la région du lac Tchad est assurée par environ 2000 femmes. La
production serait de l’ordre de 200 tonnes par an (récolte environ 6 mois par
an). Le séchage se fait au soleil à même le sable, ce qui entraîne la présence
d’environ 40 % de sable dans les galettes de spirulines appelées
« dihé », mais cela ne gêne pas leur consommation (sous forme de
sauce cuisinée, avec décantation du sable). Une partie de la production est
vendue assez loin des lieux de production (transport par caravannes).
Pierre Ancel – Pour que la production soit pérenne, elle doit être
rentable (seuil de rentabilité : 200 m² de bassins), donc gérée comme une
entreprise. Des emplois sont ainsi créés et peuvent être consolidés.
Olivier Barbaroux – Il faut avant tout avoir la connaissance des
ressources locales, s'adapter à l'économie locale plutôt qu'imposer une
économie assistée.
Gérard Bruyère, Jean-Pierre Clergeau – Pour éviter les échecs, on
doit s'assurer de conditions initiales favorables : fiabilité du partenaire
local, compétences techniques, approvisionnement en produits et matériaux,
circuits de distribution.
Denis von der Weid – La surface et les techniques de culture
adoptées importent peu : ce qui compte, c'est que le cultivateur soit motivé et
heureux de cultiver sa spiruline. A Madurai, une politique de décentralisation
a été adoptée. 20 femmes cultivent des petits bassins familiaux dans des
villages aux alentours du centre. Le système de distribution se décompose en 3
catégories d'importance équivalente : commercialisation, ventes aux ONG,
distribution gratuite aux enfants. Il est recommandé, pour que les projets
réussissent, d'ajouter d'autres activités complémentaires à la culture de
spiruline. Dans le cas des bassins villageois, elle s'ajoute aux activités
pré-existentes.
Issouf Maha précise qu'en pays touareg, dans l'Aïr (Nord Niger),
des bassins familiaux seraient préférables à des exploitations villageoises. Si
la culture de spiruline prenait une dimension villageoise, donc communautaire,
il serait nécessaire de salarier un responsable pour la gestion de l'activité.
Denis von der Weid – On peut distinguer 3 catégories de
production : la production « au gramme » (familiale), « au
kilo » (artisanale, communautaire), « à la tonne »
(industrielle). A des fins humanitaires, une multiplication de petits sites de
production est plus facile à gérer qu'une grande exploitation.
Auroville (Inde) – Hendrick van Poederooijen (Simplicity Spirulina Farm)
Auroville est
située au sud de l’Inde et fait partie d’un groupe de 50 communautés
internationales choisies par l’IISD (International Institute for a Sustainnable
Development) pour leur réussite dans une dizaine d’activités jugées
prioritaires par les Nations Unies. La communauté d’Auroville bénéficie de 25
ans d’expérience en matière de développement d’activités agro-écologiques.
D’ailleurs,
l’algoculture (culture de chlorelle, plus particulièrement) était déjà
pratiquée à Auroville dans les années 70.
Au début des
années 1990, Bonaventura Chanson fonde la « Simplicity’s Spirulina Farm ».
Après avoir collecté de nombreuses informations sur la spiruline, il effectue
d’importantes expérimentations en laboratoire. Parallèlement à ses recherches,
il introduit la consommation de spiruline à l’intérieur de la communauté. Après
son décès, Hendrick, ingénieur hollandais, décide, en partenariat avec le
Centre de Santé d’Auroville, de concrétiser les projets de culture de Chanson.
Depuis 1997,
Simplicity produit de la spiruline pour la consommation des habitants
d’Auroville ainsi que pour la vente à l’extérieur. Hendrick travaille sur ce
projet en compagnie de 8 femmes intouchables.
La communauté
possède 10 bassins en ciment de 30 m² chacun (plus quelques bassins plastique
suivant le modèle de Madurai) et dont la production moyenne est de 450 kg par an. En saison des
pluies les bassins sont protégés par des films plastique. La production de la
ferme permet d’apporter chaque année un complément alimentaire de 1 g / jour à
1.370 personnes.
La construction
des bassins a coûté 10$ au m², ce qui est très bon marché. L’agitation manuelle
des bassins est réalisée jour et nuit (par le gardien de nuit). L’adduction
d’eau est facilitée par l’utilisation de pompes solaires. Les bassins sont
situés en bord de mer.
La consommation
moyenne de bicarbonate est de 5 kg / kg de spiruline ( ce qui explique la forte
productivité) et le coût des nutriments atteint environ 2$ / kg récolté.
Le taux de
purge est d’environ 10% par mois (à l’occasion des nettoyages trimestriels du
fonds des bassins).
La spiruline
fraîche est distribuée aux enfants, l’autre partie de la récolte est vendue 20$
/ kg (prix de vente unique, quelque soit la quantité par paquet). Dans
l’avenir, Hendrick espère pouvoir passer par le réseau de commerce équitable
pour vendre la production.
La ferme assure
aussi un rôle de formation et de conseil en faveur de l’installation d’autres
unités du même type. En outre, Hendrick met sa technologie à disposition des
industriels intéressés moyennant une rémunération de 700$.
Madurai (Inde) –
Denis von der Weid (Antenna Technologie)
Le projet
s'appuie sur 5 critères :
§
répondre
aux besoins essentiels,
§
être
simple,
§
être
« low cost »,
§
utiliser
les ressources locales,
§
privilégier
la participation populaire.
Antenna avait
dans un premier temps lancé un programme « droits des l'homme » de
réhabilitation des Intouchables. Cette approche droits de l'homme amène
logiquement au droit à l'alimentation.
En l'espace de
5 ans, deux « Ecoparks » ont été créés : dans le premier, 180 m² de
culture de spiruline ont été mis en exploitation, répartis en bassins de 18 à
20 m² ; le deuxième centre est doté de 150 m² de bassins. 6 autres centres se
sont créés autour de ces 2 pôles, gérés par des institutions ou des communautés
villageoises.
La capacité de
gestion de l'équipe locale a été le critère de base pour le développement du
projet.
Autour de la
culture de spiruline se sont développées d'autres activités : production de
plantes médicinales et ornementales, élevage de poissons exotiques, production
de semences...
Les centres atteignent
actuellement 90% d'autonomie financière et continuent à bénéficier de 10%
d'appui externe. La vente des plantes ornementales aux foyers aisés de la ville
(à 12 km du centre) représente le plus gros moyen de financement des activités.
Les poissons rouges sont vendus à prix très abordable aux enfants indiens. En
outre, des formations à l'entretien des aquariums sont dispensées aux foyers
aisés.
100 kilos de
spiruline sont produits chaque mois et son prix de revient se situe aux
environs de 50$20 le kilo. Une association de diabétiques locale achète environ
10% de la production de spiruline. Un mélange millet-sucre-spiruline (1 gramme
par dose) est distribué gratuitement aux enfants de 0-5 ans. Le prix de revient
du mélange est de 5$50 le kilo. Dans chaque village, une femme est responsable
de la distribution. Le reste de la production de spiruline (environ 1/3) est
vendu à des privés.
Il faut noter
l'installation d'une grande production industrielle de spiruline (destinée en
partie à l’exportation) à 40 km de Madurai : elle ne pose pas de problème de
concurrence car les coûts de production sont plus bas dans les centres, à
condition de maintenir une productivité de 7 à 8 g / jour / m².
Izmir (Turquie) – Ripley Fox
Mme Meltem Conk
Dalay, après avoir présenté une thèse de doctorat sur la spiruline, est
professeur associée à l’Ege Universitesi Bilim Teknoloji, à Izmir. Elle a à sa
disposition un laboratoire consacré à la spiruline. Une culture pilote est en
marche depuis quelques années sur le campus, sous la responsabilité de Rüstü
Tok, et une ferme commerciale est installée à Kemalpaça, aux environs d'Izmir.
Meltem avait organisé en septembre 2001 un symposium sur la technologie algale
auquel participaient une cinquantaine de professeurs et étudiants venus de
toute la Turquie, et quelques étrangers : Avigad Vonshak d'Israël, Michel
Brouers de Belgique, Ripley Fox et Jean Paul Jourdan. Plusieurs jeunes turcs et
étrangers sont intéressés à se lancer dans la culture et la commercialisation
de la spiruline en Turquie.
Biotope naturel de la
Paracas au Pérou – Gilles Planchon et Charito Fuentes (Les Idées
Bleues).
L'eau du lac
Paracas, sur la côte Pacifique, n'est pas volcanique mais directement
influencée par l'eau de mer. A l'état naturel, la spiruline Paracas se
développe sur la base d'un fond argileux et d'un dépôt de boue noire qui serait
le résultat de la fermentation anaérobie des algues mortes. L'argile
« catalyserait » les acides aminés. En hiver, les spirulines se
protègent de la photolyse à l'ombre des arbres qui entourent le lac. Le milieu
présente une salinité de 30 grammes par litres et son pH, proche de celui de
l’eau de mer, tourne autour de 8,5-9. Il est riche en soufre, calcium,
magnésium et silice. La Paracas n'y vivrait pas en contact de sources de
nitrates.
Vers
une résurgence du Técuitlatl à Texcoco ? - Yann Leroux (ingénieur chez
AEH)
La spiruline n’est
pas une inconnue au Mexique : d’une part, elle était autrefois consommée
par les Aztèques, et d’autre part le Mexique a été le premier pays a exploiter
industriellement la spiruline à Sosa Texcoco, sous la direction de Mr Durand
Chastel.
Aujourd’hui,
l’activité commerciale de AEH (Alimentos Esenciales para la Humanidad SA)
permet de vulgariser et faire connaitre de nouveau la spiruline par
l’intermédiaire de salons, foires expos et campagnes publicitaires à la radio.
Tout en vendant sa propre marque (Spiral Spring), AEH s’efforce de faire
redécouvrir la spiruline au peuple mexicain. Au delà des résultats commerciaux
obtenus, de nombreuses demandes d’aides pour la construction de fermes
artisanales à vocation humanitaire ont vu le jour. C’est ainsi que
l’association AgroEco, voudrait promouvoir la culture familiale de la Spiruline
dans des foyers d’agriculteurs en marge de l’économie de marché. Un professeur
de l’Institut Agricole de Guadalajara voudrait permettre à ses étudiants de
cultiver la spiruline dans le cadre de travaux pratiques. Le Docteur Viadas,
qui achète et utilise la spiruline depuis plusieurs années, voudrait la
cultiver pour baisser ses coûts de traitement. Il a réussi à soigner deux
enfants souffrant de leucémie et condamnés à mourir. Il souhaiterait aussi
avoir à sa disposition les copies d’analyses médicales déjà menées,
accompagnées de photos et de témoignages, et qui permettraient une meilleure
reconnaissance des qualités nutritionnelles et thérapeutiques de la spiruline.
Dans ce contexte,
AEH souhaiterait, suite à l’installation de sa marque sur le marché national,
créer une association destinée à promouvoir la production artisanale à
l’échelle familiale. Les systèmes écologiques et les ressources naturelles
existant (nombreux lacs natronés) permettent d’imaginer des systèmes de culture
de faibles coûts.
Jean-Paul Jourdan
déconseille de récolter le flottant, méthode propice à la formation de droites.
Au contraire, il est recommandé de récolter en maintenant une agitation du
bassin. La souche Paracas ne produit pas de droites dans ces conditions, ou
alors en très petite quantité et elles ne prennent pas le dessus (expérience de
Mialet depuis 3 ans).
Plusieurs bassins sont morts simultanément sur des
sites différents au Burkina Faso cette année, sans qu’une explication certaine
puisse en être donnée.
Une première hypothèse était qu’en hiver les cultures
étaient trop froides au lever du soleil, conduisant à une photolyse.
Une autre hypothèse est une brusque réduction des
nitrates en ammoniac (hypothèse avancée pour expliquer un cas de mort subite de
Paracas observé à Mialet avec un milieu de culture vieux d’une année, avec
chute brutale de la teneur du milieu en nitrates).
Analyse du problème
et solutions – Jean-Paul
Jourdan
Au lancement de nouveaux bassins, tout marche bien ;
c’est après 2 ou 3 mois de culture que les problèmes de récolte apparaissent.
La salissure du milieu de culture, provoquée par la croissance rapide des
spirulines, en est la principale cause. On constate une différence très nette
entre la biomasse d’un milieu « propre » (filtration facile, ne colle
pas au plastique, s’extrude bien et sèche sans fondre) et la biomasse d’un
milieu vieux, qui a des propriétés diamétralement opposées.
Il existe plusieurs méthodes pour tester la qualité
du milieu :
1.
Décoloration d’une solution permanganate
(mesure de la teneur en matières organiques)
2.
Test de filtration (préconisé par JP
Jourdan) : on
utilise un filtre à café en papier pour filtrer 400 ml de culture et on mesure
le volume de filtrat obtenu en une minute précise. Résultats : Milieu
neuf sans spiruline : 400 ml/min, milieu neuf avec spiruline : 300
ml/min, milieu sale avec spiruline : < 100 ml/min. Si l’on teste la
turbidité du filtrat, le Secchi (disque noir) d’un milieu propre est très grand
(par exemple > 20 cm), alors que celui d’un milieu sale peut être <3 cm.
La méthode
classique pour remédier à un milieu sale est de le jeter en bloc ou de
pratiquer des purges régulières en remettant du milieu neuf. Ceci permet aussi
d’utiliser des ajouts de bicarbonate pour maintenir une haute productivité.
Mais alors, comment
purger ses bassins tout en respectant l’environnement ? Il faut que la
production de spiruline soit irréprochable. Plusieurs
solutions sont envisageables :
o
Evaporer à sec et jeter les sels à la
déchetterie (mais souvent il n’y en a pas dans le 1/3 monde),
o
Utiliser comme engrais sur des plantes
tolérantes comme les cocotiers (essais à faire),
o
Utiliser en alimentation animale (essais à
faire),
o
Les boues du fond des bassins (composées de
précipités minéraux, spirulines mortes, exopolysaccharides, etc.) peuvent être
intégrées au compost.
Il est aussi possible d’adopter un système de
culture évitant les purges. Pour minimiser le besoin de purger, on s’appliquera
à :
o
Minimiser l’ajout de bicarbonate (utilisation
de CO2),
o
Epurer et recycler les milieux usés.
Le milieu usé peut être recyclé : différents
systèmes d’épuration sont mis en œuvre à l’échelle industrielle (cf un exemple
au § suivant) mais ne sont guère applicables aux petites exploitations à
vocation humanitaires (trop compliqués et trop coûteux). Pour ces dernières il
est proposé de se contenter du CO2 atmosphérique, ce qui conduit à réduire la
productivité autour de 4 g/jr/m² : à ces basses productivités on constate
que l’autoépuration du milieu suffit à compenser la production de salissures.
Pour illustrer cette proposition, deux cas de
figure sont présentés :
o
100 m² produisent 800 grammes / jour avec
ajout de CO2 et avec épuration du milieu,
o
200 m² produisent 800 grammes / jour sans
ajout de CO2 et sans épuration.
Le travail à basse productivité nécessite certes un
terrain et des bassins bon marché, mais il présente d’autres avantages comme la
possibilité
o
d’ombrer fortement donc de réduire la
consommation d’eau,
o
de réduire les exigences climatiques,
o
de se passer de ph-mètre.
Pour illustrer la capacité d’autoépuration des
milieux de culture deux exemples peuvent être fournis :
o
à Mialet, après chaque hiver, les milieux se
retrouvent presque neufs
o
une culture morte (par exemple d’un excès
d’ammonium) peut être réensemencée et redevenir récoltable en 3 semaines.
Mais rien n’empêche de continuer à rechercher des
méthodes d’épuration artificielles des milieux de culture qui soient
compatibles avec les conditions du 1/3 monde, comme peut-être le traitement à
la graine de moringa.
Système d'épuration
de Aldanempres, Quito (Equateur) – François Haldmann
Le milieu de
culture subit deux types de salissures : la salissure naturelle et la salissure
conséquente à l'opération de filtration qui « stresse » les
spirulines et charge le milieu en matières organiques libres.
A Aldanempres,
les bassins sont maintenus à une forte concentration en spiruline pour que le
milieu reste pur le plus longtemps possible.
Pour recycler
les milieux de culture salis, l'entreprise s'est dotée d'une station
d'épuration composée de fosses avec une succession de 5 postes de filtration.
Le système d’aération permet de digérer la Matière Organique accumulée dans les
milieux de culture. On passe ainsi d’une DBO de 15 mg à une DBO de 8 mg
Avantages de ce
système : il offre la possibilité de segmenter le flux pour intervenir sur un
seul secteur (par exemple : nettoyage, réserve de milieu prêt à repartir dans
des bassins), il permet d'intervenir de manière physique et biologique et de
recycler totalement le milieu filtré tout en maintenant une haute productivité.
L'IRD et la spiruline
: perspectives - Loïc Charpy
L'Institut pour la Recherche et le Développement
(ex-ORSTOM) est placé sous la tutelle des ministres chargés de la Recherche et
de la Coopération. Ses principales missions sont la recherche, la formation et
le soutien au développement. Il est
doté d'un département Soutien et Formation des communautés scientifiques des pays
en voie de développement qui accorde des bourses d'étude à des chercheurs du
Sud et aide au financement de laboratoires de recherche. L'IRD est composé
d'unités de recherches (U.R.) et d'unités de services (U.S.). Loïc Charpy
dirige l'U.R. « cyanobactéries marines » dont l'implantation
principale est à Marseille et qui pilote un programme sur la spiruline en eau
de mer à Madagascar.
Essais en cours à
Marseille et à Madagascar – Jarisoa (IHSM de Toliora)
Pouvoir
cultiver la spiruline en eau de mer présenterait un avantage considérable dans
de nombreux pays en voie de développement où l'eau douce est rare.
Jarisoa est
étudiant à l’IHSM de Toliara, sa thèse portant sur la culture de la spiruline
en eau de mer est dirigée par Loïc Charpy (IRD) et Nardo Vicente (Université
Aix-Marseille 1).
Les objectifs
des recherches menées par Jarisoa sont :
1.
d'adapter
la souche de spiruline locale à l'eau de mer,
2.
de
développer un système de production à l'échelle des communautés villageoises
grâce à la construction d'une unité de démonstration (en 2003),
3.
de
mener une étude qualité.
Jarisoa
présente les premiers résultats obtenus en France (Mialet et Marseille). La
vitesse de croissance des spirulines en eau douce et en eau de mer est la même
à faible concentration, mais la concentration maximale en biomasse en eau de
mer correspond à un Secchi de 4 contre 1 en eau saumâtre. Sans ombrage, la
spiruline meurt en 3 jours dans l’eau de mer. Des essais ont été réalisés à
Mialet, avec Jean-Paul Jourdan. Le milieu de culture présentait une salinité de
50 grammes par litres et son pH était maintenu aux alentours de 10,2 par ajout
de CO2. La productivité moyenne était de 8 grammes/jour/m². La
filtrabilité des spirulines est restée bonne et l'absorption du CO2
correcte. Ces aspects sont positifs. Mais cette culture, commencée en été 2001,
n'a pas résisté au froid hivernal, la haute salinité exacerbant la
photosensibilité à froid. De plus, il faut reconnaître que le prétraitement de
l’eau de mer au carbonate de sodium, nécessaire pour abaisser sa teneur en
magnésium, risque d’être trop coûteux.
Ripley Fox
Vis à vis des
consommateurs potentiels de spiruline, la présentation des produits
commercialisés n'est pas toujours satisfaisante. Les différents procédés de
séchage donnent un goût plus ou moins agréable à la poudre ou aux granules de
spiruline. Quant à sa présentation sous forme de gélules ou comprimés, elle a
l'inconvénient de lui donner l'aspect d'un médicament et de faire oublier sa
fonction première d'aliment. Ajoutons que le séchage est coûteux et qu’il
diminue la teneur en vitamines.
La spiruline
est riche en nutriments essentiels mais pas en calories. C'est pourquoi les
Aztèques et les Kanembous l'associent toujours à une céréale. Ripley Fox
propose une méthode de séchage basée sur cette association : la pâte de
spiruline, à 80% d'humidité, peut être mixée avec un farine préalablement
déshydratée et précuite par chauffage à environ 80°C (1 partie de spiruline
pour 10 parties de farine). Des essais ont déjà été réalisés ; Ripley Fox
a confectionné un pain à la spiruline qu’il a jugé « délicieux ».
Il y a là une
voie d’avenir à explorer systématiquement et à adapter aux conditions du
Tiers-Monde.
La spiruline a une
très forte tendance à absorber les métaux lourds présents dans le milieu de
culture. Il faut veiller à éviter que celui-ci contienne du plomb, du cadmium
ou du mercure. Les normes à ne pas dépasser dans la spiruline sont les
suivantes :
§
Mercure : 0.1 mg / kg
§
Cadmium : 0,5 mg /kg
§
Plomb : 5 mg /kg
Une eau douce peu
contenir jusqu’à 5µg de plomb par litre : dans ce cas il faut
réduire l’évaporation. Il ne faut pas utiliser le phosphate de calcium naturel
qui est trop riche en cadmium. Pratiquement tous les engrais contiennent des
métaux lourds. Il est recommandé de rester vigilant et de vérifier de temps en
temps la teneur en métaux lourds de la spiruline produite. Il est rassurant de
constater que tous les échantillons que J.P. Jourdan a fait analyser depuis des
années se sont révélés corrects. Les meilleurs, d’un facteur de 10, étaient
ceux produits non pas à partir de produits chimiques mais d’urine et de cendre.
Blue Energie
Laboratoire (cf. http://www.blue-energy-lab.com/laboratoire/induction-physiologique-1.htm)
utilise un brevet déposé en 1999 par la
société Alpha Biotech consistant à « induire » (faire absorber)
certains nutriments afin d’obtenir une spiruline enrichie : ce
procédé d’induction présente-t-il un réel intérêt, au delà de la démarche
marketing dont il procède ? La question reste ouverte.
Il faut remarquer
que les producteurs de spiruline mettent depuis longtemps à profit la faculté
des cyanobactéries à absorber les métaux pour enrichir leur produit en fer
(jusqu’à 5 g/kg) et en zinc notamment.
Jean-Paul Jourdan
Jean-Paul Jourdan a expérimenté la culture de
spiruline à base d’urine qu’il juge très satisfaisante : ainsi, un milieu
à base de cendre de bois, de sel, d’urine et de fer lui a permis pendant
longtemps une bonne production (pour son usage personnel).
Pour une production humanitaire, on peut utiliser les ingrédients naturels
suivants :
o
Natron
o
Sel
o
Cendre de bois (K, Ca, Mg, SO4)
o
Poudre d’os calcinés (phosphate)
o
Fer
o
Comme apport d’azote, si l’on ne veut pas
utiliser l’urine, l’urée synthétique reste la solution la plus simple, pour un
coût très modeste (le nitrate coûte plus cher et une plus grande quantité est
nécessaire ; de plus il est interdit en bio en France).
Il existe d’autres sources naturelles possibles
d’azote :
o
Feuilles vertes (les feuilles d’ortie
fraîches, et d’autres herbes communes, plongées dans les bassins ont donné de
bons résultats mais sont d’un emploi un peu difficile)
o
Petit lait
o
Tourteaux (à tester)
o
Cornes, poils, plumes (à tester)
o
Insectes (à tester)
o
Fixation de l’azote de l’air (à vérifier)
L’urine, les
feuilles et le petit lait ont l’avantage d’apporter du carbone facilement
assimilable en plus de l’azote.
Jean-Paul Jourdan
Comment baisser
les coûts sans trop stresser les spirulines ?
On peut se
passer de serre à certaines conditions rarement remplies :
o l’eau n’est pas rare,
o les pluies ne sont pas
excessives,
o le climat n’est ni trop chaud,
ni trop froid,
o il n’y a pas trop de vents de
sable,
o les larves et rotifères ne
sont pas gênants.
Les bassins
d’Auroville (cf § 5) en ciment, protégeables par « parapluie » en
film plastique, n’ont coûté que 10 $/m² avec agitation et récolte manuelles).
L’estimation minimum pour 100 m² de bassins sous serre autoconstruite en France
est de 20 $/m², avec agitation et récolte par pompes.
Gilles
Planchon
propose une système d'agitation par thermosiphon (la circulation de l'eau est
assuré par variation de température). Sur un bassin rond avec un fond en pente,
on pose une couverture d'ombrage sur la moitié du bassin la plus profonde :
l'agitation du milieu se produirait alors naturellement.
Jean-Paul Jourdan
nous présente ses programmes informatiques de calculs, téléchargeables via
Internet (http://www.antenna.ch/manuel/CALCUL.htm).
Au cours des dernières années ils ont été sensiblement perfectionnés. Ils
permettent de comparer les productivités d’une production de spiruline sous
serre ou à l’air libre en différents climats, avec ou sans CO2 ou bicarbonate
ajouté, et pour toutes combinaisons des paramètres opérationnels (niveau de
liquide, concentration en spiruline, ombrage, salinité). Ils permettent aussi
de tester l’intérêt d’accessoires tels que le chauffage ou l’éclairage
artificiel, ou encore l’apport de CO2 à partir de la combustion de biogaz. Les
programmes gèrent les purges et permettent de tester l’intérêt du recyclage de
milieu épuré à bas pH. Un point particulièrement important est la possibilité
de simuler la consommation d’eau en fonction du climat et des paramètres
opérationnels. Enfin un volet économique permet une approche du prix de
revient.
Claude
Villard
L’International Spirulina Program for reducing
malnutrition (dont Ripley Fox est le Directeur Général) est affilié à
l’Institute for Cooperation in Scientific Research de Rome (CISRl)..
Claude Villard
présente le CD-Rom qui sert à expliquer ce programme et qui sera très bientôt
diffusé au public. Son contenu est consultable sur Internet ( http://spirulina-program.org ; http://malnutritionzero.online.fr
) et les personnes intervenant dans le domaine de la culture de spiruline sont
invitées à suggérer toutes les corrections ou ajouts qui leurs sembleront
pertinents pour améliorer ce produit d'information.
A l’heure
actuelle, Jean-Paul Jourdan reste le seul à accueillir régulièrement des
stagiaires en France, et ce bénévolement. D’autres possibilités existent au
Chili (chez Ayala), au Burkina Faso (Koudougou) et à Bangui en République
Centrafricaine (chez Kénose, cf § 3). Antenna peut aussi, au besoin, dispenser
une formation à Genève, mais c’est surtout à Maduraï, Inde, qu’elle intervient
à grande échelle dans ce domaine de la formation, à côté d’Auroville (cf § 5).
La mise en
place d’un certificat de spécialisation (diplôme professionnel de niveau III ou
IV) permettrait aux professionnels de la culture de spiruline d’être reconnus
par les pouvoir publics.
Philippe Stefanini, directeur adjoint
du CFPPA du Var, communique les informations suivantes :
Le CFPPA (Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole) pourra mettre en oeuvre l'écriture d'un Certificat Professionnel de Spécialisation, puis envisager une formation sur son site de Hyères (Var), dans l'unique cas où il sera sollicité majoritairement par l'ensemble de la profession (collectif d'associations comme TECHNAP et autres ONG à but humanitaire.). Pour ce projet, les accords de principe seront à envoyer au CFPPA 32, chemin Saint-Lazare, 83400 Hyères-les-Palmiers
Philippe et Estelle
Calamand sont installés à la Capitelle, près de Lodève, où il cultivent la
spiruline depuis 1998. A cette époque cette activité n’était pas
administrativement reconnue ; le démarrage de leur activité s’est donc
précédé d’un long parcours du combattant à l’issue duquel ils ont obtenu le
statut d’agriculteur, qui leur a permis d’exploiter leur 100 m², 200 m², puis actuellement
300 m² de surface de culture de spiruline.
L’agitation se fait
par pompe vide-cave (250 Watts pour 70 m²).
La période de
récolte s’étend sur 5 mois par an environ en fonction des conditions
climatiques.
L’extrusion se fait
à l’aide d’un embauchoir à saucisse modifié.
Les Calamand
assurent eux-mêmes le conditionnement et la vente de leur spiruline, vendue
sous forme de spaghettis droits. Une partie de la production est écoulée dans
un magasin de produits diététique à Lodève, ainsi que dans 4 coopératives bio
du département, une autre partie est vendue à une clientèle de particuliers,
sur place ou par correspondance, le restant sur les marchés du Terroir pendant
la saison touristique. Aucune publicité n’a été nécessaire pour vendre la
production d’une année sur l’autre. Philippe se montre toutefois un vendeur
très convaincant.
La visite s’est
achevée sur l’installation photovoltaïque qui alimente la maison et
l’exploitation.
Les Calamand ont 3
brebis qui ont été « biberonnées », faute d’avoir pu être allaitées
par leur mère, au lait en poudre additionné de spiruline. Elles se montrent en
pleine forme..
A l’ancien Jardin
Botanique, apéritifs à la spiruline d'Estelle, suivi du repas en commun et en
plein air. Les convives se sont quittés dans l’après-midi et dans la bonne
humeur, après avoir posé pour la fameuse « photo de famille ».
Au long des
présentations, un certain nombre de sujets de recherches qu’ils serait
souhaitable de faire ou faire faire par des étudiants ou des stagiaires ont été
évoqués et il paraît bon de les récapituler ici :
Sources d’azote bio :
Þ
Essayer les
tourteaux résidus d’extraction d’huiles
Þ
Essayer des
produits naturels tels cornes, poils, plumes, insectes
Þ
Etudier la
fixation (éventuelle) de l’azote de l’air
Souches :
Þ
Pourquoi les
droites ont-elles disparu à Maduraï, Auroville et Bermo ?
Þ
Comment expliquer
plusieurs cas de mort subite de bassins ?
Environnement :
Þ
Conditions pour
l’autoépuration du milieu de culture
Þ
Comment éviter le
« vieillissement » de la biomasse ?
Þ
Comment éviter le
« vieillissement » du milieu de culture ?
Þ
Comment épurer
simplement un milieu usé ?
Þ
Quelles plantes
acceptent le milieu de culture comme engrais ?
Þ
Quels animaux
peuvent boire du milieu usé ?
Fréquence de nourrissement de la spiruline :
Þ
Mesurer le
rapport :
(concentration
en nutriment dans la spiruline)/(concentration en nutriment dans le milieu)
Filtration :
Þ Trouver des tissus bon marché capables de remplacer les tissus techniques actuellement utilisés.